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À CHACUN LES RÉSULTATS DE SON CHOIX
Pour répondre à la question centrale de la philosophie, telle qu'elle a
été formulée dès la 1ère page "que vais-je choisir pour devenir
vraiment heureux ?"
Il ne faut pas consulter les sondages d'opinions, ni
s'en remettre à un "gourou" c'est-à-dire à un maître.
C'est chaque personne individuelle qui récolte et récoltera les fruits
de son choix, de ses choix. A chacun les résultats de son choix.
UN TEMPS POUR CHAQUE CHOSE
Ces choix méritent une préparation et des efforts de fidélité. On peut
même distinguer cinq étapes dans ce processus du choix moral. Il y a un
temps pour tout.
1° Regarder
C'est surtout pendant la jeunesse que chacun peut écouter, REGARDER et
lire pour prendre connaissance des divers chemins vers le bonheur.
Depuis son enfance, chacun de nous a pu regarder les jeunes et les
adultes qui l'entouraient. Il a perçu chez eux des plaisirs passagers,
de la tristesse ou parfois un bonheur durable même au milieu des
épreuves. Après avoir regardé, chacun de nous a pu poser des questions
et écouter des réponses de ces témoins vivants. Mais, comme je
l'écrivais dès la première page, dans la mesure du possible, il est
préférable de compléter ces contacts avec des témoins vivants par un
certain nombre de lectures. Sur ce point, il faut résister à la mode
très répandue de l'anti-intellectualisme.
Etienne GILSON disait, il y a longtemps déjà : "S'il était admis que la
pastorale peut se passer de dogmatique, le pire ne serait pas à
craindre, il serait déjà arrivé". Il y a de même une dépendance des
choix vitaux envers la réflexion intellectuelle.
Plus précisément, il y a un temps pour tout. Il y a un temps pour
préparer sa vie future par des études sérieuses et pour prendre
connaissance, dans la mesure du possible des opinions les plus diverses
afin de pouvoir faire un choix moral conscient et motivé. Cette enquête
sur les philosophies et les religions est encore plus nécessaire pour
celui qui se propose plus tard de guider les autres dans leur recherche
du vrai bonheur.
2° Réfléchir
Puis doit venir un temps spécial pour la réflexion. Parmi toutes ces
opinions, tous ces comportements, que vais-je choisir pour être
vraiment heureux ?
Le maximum de solitude, de silence et de prière pendant plusieurs jours
permet de relativiser les choses relatives et de distinguer l'essentiel
à la lumière du moment de lucidité dont il a été question à la question
5° eschatologie.
3° Choisir
Ce temps de réflexion doit avoir une fin. On ne peut pas remettre sans
cesse au lendemain de faire un choix fondamental. Choisir signifie : ne
pas imiter, ne pas suivre la majorité, mais être capable de défendre des
opinions et d'adopter des comportements différents de notre entourage.
De plus, BLONDEL nous a fait comprendre que vouloir vraiment une chose,
c'est la faire. Gabriel MARCEL de son côté a montré que le choix doit
parfois se concrétiser par un engagement définitif jusqu'à la mort !
4° Écrire
Si l'on admet facilement que chacun doit regarder, réfléchir et choisir,
il est plus difficile de comprendre l'intérêt que chacun a de mettre par
écrit cette enquête, cette réflexion, ce choix. Chacun dans la mesure de
ses moyens, devrait écrire sa synthèse personnelle. Pour comprendre
l'utilité de cette expression écrite il faut faire quelques
constatations.
- Constater la force extraordinaire qu'exercent sur nous les mentalités
et les comportements de notre entourage.
- Constater que beaucoup d'hommes âgés sont incapables d'expliquer avec
enthousiasme leur comportement quotidien. L'habitude semble jouer un
rôle déterminant dans leur vie.
- Les certitudes perdent peu à peu de leur force. Certains ne semblent
plus croire à ce qu'ils disent et à ce qu'ils font.
Voilà pourquoi j'encourage tous ceux qui en sont capables de rédiger une
synthèse de leurs convictions en fin d'études afin de pouvoir prendre
conscience de l'évolution de leur pensée en la confrontant
périodiquement avec un stade privilégié : celui des grands choix de
jeunesse.
5° Programmer
Dernier élément d'un vrai choix; Prévoir et programmer la fidélité
effective à ce choix. Dans une certaine mesure, la fidélité dépend d'un
programme de vie, soyons précis d'un emploi du temps annuel, mensuel et
journalier en conformité avec les choix faits pendant le temps de
réflexion c'est-à-dire de solitude, de silence et de prière.
RECHERCHE INCESSANTE
Souligner l'importance d'une réflexion et d'une décision de jeunesse
n'enlève rien à la nécessité d'une recherche incessante d'une plus
grande connaissance de la vérité tout au long de la vie. Je serais
heureux d'apprendre que cette "initiation" à donné le goût de lire une
autre "Histoire de la Pensée" ou mieux encore les textes des grands
philosophes comme l'Apologie de SOCRATE, les confessions de Saint
AUGUSTIN et les Pensées de PASCAL et d'autres grandes œuvres.
Même lorsqu'on a passé beaucoup de temps à étudier une question, lu
beaucoup de livres pour préparer un cours, il faut toujours être prêt à
découvrir un auteur inconnu ou méconnu qui a traité la question d'une
manière magistrale. Cette expérience je l'ai faite lorsqu'un ami
Gonzague DANJOU m'a fait lire : "Connaître l'amour du Christ qui
surpasse toute connaissance" de François Marie Lethel (ed. du Carmel
N.D.V. 84210 Venasque).
La thèse principale de ce livre c'est que seuls les saints sont vraiment
théologiens.
THÉRÈSE DE LISIEUX
Appelé en Suisse pour animer une semaine d'exploration évangélique, il
m'est arrivé de regarder avec envie les sommets enneigés des Alpes. Le
curé d'un village qui avait fait l'ascension du Mont Blanc m'a regardé
avec sympathie mais il m'a fait comprendre que je devais y renoncer. On
ne s'aventure dans les Alpes qu'après un entraînement intensif et sous
la conduite d'un guide expérimenté.
Il en est de même pour le sommet de la Pensée moderne.
Seul celui qui a déjà compris que la Révélation évangélique contient les
réponses inattendues surabondantes et méconnues à nos questions
philosophiques et qui admet que les saints sont les seuls guides
théologiques pour une compréhension plus profonde de cette Révélation
évangélique, peuvent entamer l'ascension, c'est à dire la lecture des
œuvres de THÉRÈSE DE LISIEUX.
Tout comme AUGUSTIN qui manquait d'humilité avant sa conversion et qui
était rebuté par le style pauvre de la Bible, ceux qui sont encore
enfermés dans la spéculation purement rationnelle seront rebutés par le
style de cette petite carmélite.
Ils ne peuvent comprendre que Thérèse pousse à des extrémités jamais
atteintes, trois attitudes évangéliques qui semblent totalement
incompatibles.
- Une totale défiance de soi-même qui perçoit la totale incapacité de
l'homme exprimée par des images qui semblent naïves : "La petite goutte
de rosée."
- Une confiance éperdue dans un amour absolument sans limites du Père
pour chacun de nous : "papa".
- Une volonté de sainteté offrant absolument tout au Bien Aimé, les
souffrances les plus infimes et les plus atroces : "tout".
Pour un premier contact, l'édition de poche "Manuscrits
autobiographiques" de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus" collection Livre
de vie (éd. 27 rue Jacob Paris VI) peut suffire.
Mais les "œuvres complètes", ed. Desclée de Brouwer 1992 réserve des
éclairs fulgurants !
Mais encore une fois, n'importe qui ne peut entamer l'ascension du Mont
Blanc et ce que Thérèse nous apprendra en définitive c'est la manière de
faire notre pain avec "le pur froment des quatre Évangiles".
UNE CONTRIBUTION TEMPORAIRE
C'est l'invitation qui m'a été faite d'enseigner la pensée médiévale
dans deux grands séminaires de Madagascar et l'attente d'un certain
nombre de professeurs de philosophie de la Grande Île qui m'a décidé à
rédiger ce texte.
C'est à eux que j'ai pensé avant tout en l'écrivant, même si j'ai promis
de l'envoyer à des frères du Zaïre, du Cameroun ou d'Europe...
Il y a un temps pour tout.
Le temps est venu à nouveau de "parcourir les villages" de ma paroisse
de Tanandava et de donner plus de temps à "l'évangélisation des pauvres
gens des champs".
Fianarantsoa, 1er mai 1996 |