Nous poursuivons notre voyage d'ouest en est et nous rencontrons le système
de pensée qui est peut-être le plus important de l'Antiquité non seulement parce
qu'il est le cadre dans lequel sera donnée la révélation évangélique mais aussi
parce qu'il est la source de l'idée de PROGRÈS que les rationalistes considèrent
comme évidente parce qu'ils en ignorent la véritable origine.
La difficulté est ici que l'ANCIEN TESTAMENT est étudié par une foule de
spécialiste. Il semble donc inconcevable d'en présenter une synthèse en trois
pages.
D'autre part, une première lecture de l'ANCIEN TESTAMENT suffit à découvrir
qu'on y trouve des textes d'inégale valeur. A côté de texte d'une grande beauté
sur l'amour miséricordieux de Dieu, il y a des récits de guerres féroces, des
listes d'aliments interdits et le regret d'avoir épousé des femmes étrangères...
Malgré cette double difficulté, nous pouvons dégager les réponses de l'ANCIEN
TESTAMENT à nos cinq questions.
1° Épistémologie : Dieu parle
A la question :
"peut-on connaître la vérité ?", la réponse est neuve : Dieu "parle" et
transmet sa parole dans le coeur de certains hommes, les prophètes. "PAROLE DE DIEU TOUT PUISSANT", ce refrain revient sans cesse dans les livres des
prophètes. La vérité est donc RÉVÉLÉE !
2° Ontologie : Dieu créa
A la deuxième question sur la réalité, la réponse de l'Ancien Testament est
encore plus originale et elle est donnée dans les premières lignes de la
Bible "Aux commencements Dieu créa le ciel et la terre". Dans la plupart des
autres cultures et même chez les Grecs, le monde est présenté comme en
dépendance de Dieu mais comme ayant toujours existé.
Ici au contraire, nous trouvons la distinction qui sera explicitée par les
philosophes arabes et chrétiens entre Dieu qui existe nécessairement et les
créatures qui auraient pu de pas exister : c'est la CONTINGENCE, une notion
essentielle de la philosophie qui sera explicitée par les arabes.
3° Éthique : les dix commandements
A la troisième question sur ce que "je vais choisir pour devenir vraiment
heureux" répondent les dix commandements (Exode 20). Certains lecteurs penseront
que ces dix commandements sont le contraire du bonheur. Qu'ils lisent le
chapitre 30 du Deutéronome : "Tu as en face de toi le bonheur et le malheur,
obéir aux commandements ou y désobéir, choisis."
Plus profondément, il faut remarquer que la proclamation des dix commandements
est précédée par le rappel des bienfaits de l'amour de Dieu pour son peuple. Ce
qui nous introduit à la quatrième réponse.
4° Politique : "Peuple choisi"
La réponse à la quatrième question renverse la question. Car il ne s'agit plus
de choisir la moins mauvaise organisation de la société. C'est Dieu qui prend
l'initiative de choisir et d'appeler un homme Abraham et de faire avec le peuple
qui descend de lui une alliance. Il permet un destin unique. Isaïe 45 présente
les victoires de Cyrus comme une intervention de Dieu en faveur de son
peuple.
5° Eschatologie : le Messie
C'est la réponse de l'Ancien Testament à la cinquième question qui va modifier
radicalement l'HISTOIRE DE LA PENSÉE. Alors que toutes les cultures anciennes
ont une conception cyclique du temps considéré comme une roue qui fait revenir
sans cesse les mêmes événements sans jamais rien de nouveau, l'Ancien Testament
(et spécialement le septième chapitre du 2ème livre de Samuel) inaugure le
messianisme, c'est à dire l'ESPÉRANCE en la venue d'un Messie, un Sauveur
apportant un bonheur paradisiaque.
Encore de nos jours, les juifs croyants souhaitent de se revoir "l'an prochain à
Jérusalem". En pleine persécution nazie, un père de famille juive quittait
chaque jour les siens en disant "A ce soir, à Jérusalem si le Messie choisit ce
jour-ci pour enfin venir".
Les chrétiens croient que Jésus était ce Messie promis et attendent son Retour.
Tous ceux qui de nos jours croient au Progrès ne se rendent pas compte que cette
idée de Progrès à sa source dans l'espérance du peuple d'Israël. L'Histoire de
la Pensée, la dialectique de Hegel et le messianisme de Marx,
sont incompréhensibles pour ceux qui oublient l'influence de l'Ancien Testament.
*
Persuadés que la majorité des lecteurs de ces lignes possèdent une Bible ou
peuvent s'en procurer une, je n'ai consacré que quelques lignes à l'Ancien
Testament. Il m'a semblé qu'il suffisait de situer sa place dans l'Histoire de
la Pensée puisqu'il s'agit du Livre que chacun peut lire directement lui-même.
(A ceux qui voudraient développer leur connaissance du JUDAÏSME et des autres
religions, on peut signaler "le fait religieux" sous la direction de Jean
DELUMEAU -Fayard 1993).
(suite PP2-4)
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