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Sommaire
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George_Berkeley
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Philosophie_kantienne
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Johann_Gottlieb_Fichte
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Friedrich_Wilhelm_Joseph_
von_Schelling
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Charles_Renouvier
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Jules_Lachelier
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Octave_Hamelin
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Léon_Brunschvicg
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ÉPISTÈME est un mot grec qui signifie
connaissance.
L'Épistémologie est donc l'ensemble des questions que l'on peut poser sur
l'origine de la connaissance humaine.
Dans ce huitième chapitre, seront présenté douze philosophes dont le premier est
né en 1623 et le dernier est mort en 1938. Ils ont en commun d'avoir proposé
surtout des réponses en épistémologie.
Pour comprendre les questions que ces philosophes abordent et les réponses
qu'ils proposent, le lecture aura intérêt à relire les cinq questions de
la philosophie (voir
1°épistémologie). En tout cas pour ne pas perdre trop de temps avec ce débat
interminable, je suppose que ces pages sont déjà assimilées.
le premier mot du titre du chapitre : "Rétrécissement" a deux significations. Il
reproche aux philosophes qui seront étudiés ici d'avoir donné une place
excessive et parfois même exclusive à une seule question de la philosophie, la
première (l'épistémologie) en négligeant souvent les quatre autres (ontologie,
éthique, politique et eschatologie).
Deuxième rétrécissement : non seulement ces philosophes rétrécissent le champ de
la philosophie et ne gardent que la question de la connaissance, mais de
plus, laborieusement, ils se relaient dans une entreprise progressive de
démolition des possibilités de l'intelligence humaine. Leur conclusion est
que nous ne pouvons pas connaître la "réalité" que Kant appelle le "noumène".
D'après lui, nous ne connaissons que les apparences qu'il appelle "phénomènes".
Les successeurs de Kant vont plus loin. Ils
prétendent qu'on ne peut être certain s'il y a , oui ou non, une "réalité" en
dehors de l'esprit. En clair, ces philosophes prétendent que je ne peux savoir
si le papier ou je lis leurs sottises existe, oui ou non. Tous ces raisonnements
permettent à ceux qui les enseignent dans les universités de gagner un beau
salaire (qui existe) mais on peut penser que tout cela n'est pas très sérieux et
que nous pouvons résumer rapidement tout ce débat interminable.
Tous ceux qui ont réduit la philosophie à ces
questions et à ces réponses sont responsables du mépris qui entoure désormais le
mot même de "philosophie". Dès la deuxième partie de l'Exposé
préalable, j'ai même passé en revue les significations successives du mot
"philosophie" en soulignant finalement le renouveau de l'éthique. Cependant, une
"Histoire de la Pensée" doit présenter rapidement ces débats épistémologiques.
Que le lecteur qui trouve ennuyeuse cette description ne perde pas courage. Au
chapitre huitième nous rencontrerons de nouveau de la vraie philosophie avec
Biran, Schopenhauer, Kierkegaard et Blondel. Mais il y a un temps pour tout. Il
faut au moins énumérer douze noms anglais, allemands et français qui vont
essayer de nous persuader finalement que notre intelligence ne connaît pas la
réalité. Ceux qui sont persuadés de cette "inconnaissance" totale devraient en
conclure qu'il n'y a plus qu'à se taire et à cesser d'écrire.
I. John LOCKE (1632-1704)
Son "essai sur l'entendement humain" rejette les "idées innées" de Descartes.
D'après lui l'esprit est une page blanche sur laquelle les sens inscrivent les
informations venues du monde extérieur. Cette réponse à la question
1°a
s'appelle "empirisme" ou "sensualisme". (Même si ce 6ème chapitre est
centré sur l'épistémologie, il faut signaler que Locke est opposé à
la théocratie anglaise (4°) et qu'il propose d'autre part un "christianisme
raisonnable". un de plus !)
II. Georges BERKELEY (1685-1763)
Comme cela se produit souvent dans "l'Histoire de la Pensée" ce missionnaire
anglican (qui part aux Bermudes) défend une théorie opposée d'après laquelle la
matière n'existe pas vraiment. C'est "l'immatérialisme". Les réalités
sensibles n'ont pas d'existence absolue, indépendante de toutes les
intelligences et distincte de la connaissance qu'en a Dieu. Elles
n'existent pas vraiment. Aux étudiants qui ne comprenaient pas comment on peut
défendre une théorie pareille j'ai parfois posé la question suivante : les
couleurs vertes et rouges de ce mur existeraient-elles si personne, jamais, ne
les regardaient. Les couleurs ne sont elles subjectives ? Un débat jaillit alors
entre les étudiants qui ainsi "entrent" dans le débat épistémologique. Il est
bon d'y enter. Il est important d'en sortir !
III David HUME (1711-1777)
Lorsqu'on a commencé à douter, on peut toujours progresser. C'est ce que fait le
philosophie écossais Hume qui rejette même la valeur du principe de causalité.
Qui peut vous assurer que tel événement est vraiment la cause de l'événement
suivant ? Parce que ces deux événements se sont succédés cent fois ? Cela ne
prouve rien ! L'imagination, les coutumes, les croyances, nous conduisent
peut-être ers des illusions. Le voyage du doute n'aura plus de fin. Hume et Kant
sont les "Christophe Colomb" qui nous font quitter toute certitude, toute
réalité... et personne d'après eux ne pourra jamais y revenir...
IV. Étienne
Bonnot de CONDILLAC
(1714-1780)
Le lecteur qui veut faire une enquête complète sur cette question peut étudier
ce philosophe de Grenoble d'après lequel rien de valable n'a été écrit entre
Aristote est lui-même ! Il prétend d'autre part que les premiers principes ne
sont pas premiers puisqu'ils ne parviennent pas d'une première connaissance !
V. Emmanuel KANT
(1724-1804)
Beaucoup "d'Histoire de la philosophie" accordent un rôle décisif à Emmanuel
Kant qui d'après eux a démontré d'une manière irréfutable que l'intelligence
humaine ne peut pas connaître la "réalité" le "noumène" car elle n'atteint que
les apparences, les "phénomènes". Récemment un professeur armé de diplômes qui
auraient dû m'impressionner m'a dit : "Aujourd'hui, il n'est plus permis de
parler de métaphysique" ! Mais puisqu'en philosophie on ne se soumet à aucune
autorité, je ne demanderai la permission de personne pour dire mon désaccord
avec Kant. Cependant avant de présenter très simplement ses réponses aux
questions philosophiques il faut reconnaître l'honnêteté de cet homme.
Un honnête homme
Les historiens nous décrivent sa sérénité inaltérable, sa curiosité inépuisable,
sa louable intention de donner à l'Humanité une morale qui unit la liberté et la
loi sou la discipline du DEVOIR !
Le titre d'un de ses livres montre qu'il se situe bien dans la série des
"réducteurs naturalistes" : ce livre c'est "la religion dans les limites de la
simple raison"! Il va supprimer tout ce qui n'est pas rationnel.
"L'ordre moral dit-il procède du vouloir divin. Mais ce serait altérer la pure
moralité et ALTÉRER LA RELIGION MÊME que d'y voir autre chose qu'un acte de
notre volonté et de faire DÉPENDRE d'une grâce divine la régénération de
l'homme". Autant dire qu'il refuse l'originalité de la foi chrétienne.
De l'amour au devoir
Débordant de bonne volonté, Emmanuel Kant croit donc "purifier" le
christianisme en rejetant la bonne nouvelle du bonheur d'être aimé, pardonné, et
sauvé par Dieu. Il la remplace par le poids d'un DEVOIR, d'un "IMPÉRATIF
CATÉGORIQUE", cette "chape de plomb" que déposera avec soulagement Claudel
le jour de sa conversion et que des générations de chrétiens tristes vont
confondre avec la foi chrétienne !
Ce n'est pas tout. Cette morale pesant, naïve, prétentieuse et impérative, Kant
en a enlevé tous les fondements ontologiques et épistémologiques. C'est ce qu'il
faut résumer en quelques lignes.
1° Épistémologie suicidaire
Non seulement Kant repousse toute révélation surnaturelle et veut réduire le
christianisme dans les limites rationnelles, mais tous ses gros livres ont pour
but de démontrer l'impossibilité de toute connaissance. Puisque nous présentons
une "première initiation" une comparaison très familière sera permise. Comme un
beau morceau de viande est, totalement défiguré après être passé dans le moulin
à pâté, la réalité (appelée noumène) ne parvient à nous qu'après être passée par
la moulinette des structures du temps et de l'espace et nous n'avons de contact
qu'avec les apparences défigurées (appelées phénomènes). Jamais personne ne
pourra imaginer ce que peut être notre réalité (le beau morceau de viande) qui
est de l'autre côté de notre intelligence car elle a tout défiguré.
En faisant cette présentation vraiment trop simple de l'épistémologie Kantienne
j'avais bien conscience que mon désir d'être compréhensible à un lecteur non
spécialisé m'avait conduit un peu au simplisme...
Je n'ai donc pas été étonné que le philosophe français JEAN BRUN dans sa lettre
du 23-12-93 apportait un minimum de correction "Permettez-moi de faire une
remarque critique à propos de votre excellent travail. Parlant de Kant, vous
identifiez les apparences et les phénomènes. Or Kant a bien soin de distinguer
l'apparence du "phénomène"...
Je reconnais que ma présentation manque de nuances d'autant plus facilement que
dans sa lettre du 21/12/93 le même Jean Brun avait écrit "Comme vous avez eu
raison de parler de Kant comme vous l'avez fait. CHESTOV disait justement
: " Que restera-t-il de l'œuvre de Kant ? Rien, si ce n'est les commentaires que
ses successeurs en ont donnés".
2° Ontologie avortée
Aucune réalité ne pouvant être atteinte puisqu'elle est inaccessible au delà des
déformations qu'elles à subies par les "catégories à priori" de l'intelligence,
il n'y a donc pas d'ontologie chez Kant. Dans un livre publié après sa mort,
Kant doute de l'existence d'une réalité au delà des phénomènes.
3° Morale en apesanteur
Ce qui apparaît comme totalement illogique, c'est que, après avoir présenté une
épistémologie suicidaire et donc une ontologie avortée, Kant prétend
impérativement nous imposer une morale de Devoir ! "Ton action doit être
accomplie par respect de la loi qui nous dit : tu dois parce que tu dois. Agis
de telle sorte que le maxime de ta volonté puisse valoir en même temps comme
principe d'une législation universelle".
Dan quel monde livresque vivait donc cet homme pour être naïf à ce point ?
Personnellement, je n'ai aucune envie d'être un modèle; et les autres
n'ont sans doute aucune envie de me prendre pour modèle. Tous, nous sommes
d'accord avec Pascal : " Tout homme cherche son bonheur même s'il va se pendre".
La morale de Kant nous apparaît naïve et prétentieuse. Cela n'empêchera pas
certaines âmes de s'attendrir devant la confession d'un grand professeur : "Je
vous affirme devant Dieu que si je sentais cette nuit que je vais mourir, je
joindrais les mains et dirais : Dieu soit loué ! mais si un mauvais démon me
soufflait à l'oreille : tu as fait du tord à un homme, oh alors, ce serait tout
autre chose !" En lisant ces lignes on a l'impression que la morale de Kant est
réservé à ceux qui se croient parfaitement innocents. Comme cela n'est pas mon
cas, entre la morale du Devoir de Kant et la morale évangélique de l'amour, du
pardon et de la conversion, le choix est vite fait. Mais je laisse bien sûr à
chaque lecteur, la liberté d'avoir un autre avis !
5° Eschatologie sentimentale
Et pour couronner un système que l'on me présente comme un sommet de la
philosophie, Kant me demande de croire à la vie future en m'appuyant sur son
"sentiment" (?)
"La foi en Dieu et en la vie future est tellement unie à mon SENTIMENT MORAL que
je ne perds pas plus le risque de perdre cette foi que je ne crains de me voir à
jamais dépouillé de ce sentiment".
Certes on peut sympathiser avec Kant dans la mise en doute de pas mal de
certitudes philosophiques. Pascal aussi ne croit pas beaucoup en la raison. Mais
on est d'autant plus étonné de sa volonté de raboter la Révélation évangélique
en prétendant s'enfermer dans un rationalisme dont la stérilité a été si bien
démontrée !
VI. Johann Gottlieb FICHTE (1762-1814)
Pour être plus ou moins complet, il faut encore mentionner sept philosophes qui
vont encore accentuer l'impossibilité de connaître. Avec Fichte, philosophe
allemand qui rencontre le succès dès l'âge de trente ans avec sa "Critique de
toute révélation", le "noumène" qui d'après Kant
existait au-delà des "phénomènes" est nié. "La chose (la réalité extérieure à
l'esprit) n'étant ni en soi, ni pour soi, ni intelligible, ni utile à rien,
n'est pas une fiction, une contradiction, une monstruosité qu'il faut reléguer
au pays des cercles carrés". Il n'y a plus que le MOI (die ich-heit).
Mais je ne comprends pas comment à partir de ce "moi" isolé, en dehors duquel il
n'y a rien, on aboutit déjà avec FICHTE à la destinée supérieure du peuple
allemand que nous découvrirons au chapitre suivant avec Hegel !
VII Friedrich
Wilhelm Joseph von SCHELLING (1775-1854)
Avec ce disciple de Hegel (que nous étudierons donc à part) il y a une pause
dans cette succession de philosophes qui exaltent leur moi et leur indépendance.
"Il ne nous reste rien d'autre à faire, et nul orgueil philosophique ne saurait
nous en empêcher, que d'accepter avec reconnaissance que nous soit accordé par
grâce et sans mérite de notre part ce que nous ne pouvons obtenir autrement".
Mais pas question chez ce philosophe d'accepter la révélation évangélique comme
critère. Son système, chacun a le sien, est plutôt un panthéisme de la nature...
VIII. Charles RENOUVIER
(1815-1903)
Avec Renouvier, idéaliste français, le bon sens reprend ses droits.
"Nous sommes pratiquement contraints d'affirmer la réalité de notre moi, de
notre connaissance, et du monde extérieur". C'est avec soulagement que nous
apprenons que la feuille de papier sur laquelle nous aurions appris que
la réalité n'est pas réelle, existe réellement (?!)
IX. Jules LACHELIER
(1832-1918)
D'après le philosophe spiritualiste français Lachelier, le philosophe usant de
sa seule raison est nécessairement panthéiste et on peut être tenté de lui
donner raison. Mais le croyant peut dépasser la raison par un saut dans
l'inconnaissable. Nous retrouverons désormais souvent cette juxtaposition d'une
philosophie qui ne croit pas à la raison et d'une attitude de foi qui renonce à
se présenter comme justifiée raisonnablement.
X. Octave HAMELIN
(1856-1907)
Avec le philosophe Hamelin, nous reprenons notre voyage vers le refus de toute
réalité extérieure à l'esprit (troisième forme de l'idéalisme épistémologique
(voir épistémologie). Il meut noyé en portant secours à une nièce. Son
comportement héroïque était heureusement en contradiction avec ses théories.
L'inverse existe également.
XI. Léon BRUNSCHVICG
(1869-1944)
1° Un dernier philosophe français pousse l'idéalisme jusqu'à l'extrême limite :
"la connaissance constitue pour nous un monde qui est pour nous le monde.
Au-delà il n'y a rien."
3° En morale, nous retrouvons le stoïcisme de Marc Aurèle : renoncer à son
individualité, penser la vérité qui, pour nous, a la couleur de la vérité
scientifique.
En lisant ce stoïcien et les épicuriens contemporains je suis de plus en plus
persuadé qu'en morale rationnelle, on peut s'arrêter à Marc Aurèle (voir
P.P. Chap. 7, III)
Seule l'éthique évangélique est nouvelle et suscite des œuvres toujours
nouvelles.
XII. Edmund HUSSERL
(1859-1939)
Ce philosophe né dans une province autrichienne a prétendu bâtir une
"philosophie scientifique" (ce qui voulait dire indiscutable) en mettant entre
parenthèses toutes les philosophies et toutes les religions !!
Dans les "Idées directrices pour une phénoménologie" en 1913, il rejette
l'idéalisme pur qui prétend que c'est l'esprit qui crée le monde au lieu
de le connaître. Toute conscience d'après Husserl est "conscience de quelque
chose". Entre le "je pense et ce qui est pensé, il y a une intentionnalité".
Sur ce socle (?) il faudra bâtir une philosophie qui, d'après Husserl, exigera
le travail des philosophes pendant un siècle. Mais, dès la fin de sa vie, il
avoue "le rêve en est fini". Et avant de mourir, il demande le baptême
catholique. Cette prétention de vouloir tout comprendre, un autre philosophe
l'avait eu avant lui. Nous devons lui consacrer un petit chapitre particulier :
il s'agit de Hegel.
suite TP
chap. 7
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