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Dans la cinquième partie de l'EXPOSÉ PRÉALABLE, j'ai donné les motifs de la
nouvelle division de l'HISTOIRE DE LA PENSÉE en trois GRANDES PÉRIODES.
Des contacts incessants depuis plus de 25 ans avec des populations
dont le système de pensée est indépendant de la philosophie grecque (PPchap2intro)m'ont aidé à
comprendre la place centrale, dans l'Histoire de la Pensée, de la Révélation
évangélique.
Ceux qui ont toujours vécu dans une culture influencée par le christianisme ne
peuvent en prendre conscience.
C'est la foi chrétienne qui a le plus marqué l'histoire de l'Europe pendant les
quinze premiers siècles de notre ère.
Malgré cette évidence, beaucoup d'historiens ne choisissent pas la Révélation
évangélique comme point de séparation des périodes, mais ils parlent de
philosophie "médiévale"... qu'ils situent plus tardivement.
MÉDIÉVAL ?
Ce mot vient de deux mots latins "Medium" signifie le milieu, "aevum" signifie
âge ou période. On veut donc parler de la "période du milieu", du "Moyen-Âge",
d'une période intermédiaire.
Elle se situe plus ou moins entre 400 et 1500 et se trouve ainsi au "milieu" :
entre l'Antiquité grecque et latine d'un côté, et la RENAISSANCE de cette
antiquité de l'autre côté.
Cette manière de partager l'histoire est valable pour les amoureux de la belle langue
latine, car, à la RENAISSANCE, des spécialistes redécouvrent et utilisent à
nouveau le latin de l'Antiquité. Ils méprisent les oeuvres écrites pendant le
millénaire qui précède et qui sont rédigées dans un latin moins élégant.
Cette division ne fonctionne pas correctement pour l'histoire de la Pensée.
- Où
va-t-on situer dans ce cas Augustin et les Pères de l'Église ? Dans l'antiquité
marquée par le paganisme ou dans la Chrétienté ? Comme simple "préparation"
alors qu'il s'agit d'un des sommets de la Pensée Universelle ?
Et après cette "pensée médiévale" (puisque tous les historiens de la philosophie
situent le début de la Période Moderne avec Descartes), que vont devenir les
philosophes de la Renaissance QUI SONT ANTÉRIEURS À DESCARTES MAIS ÉCRIVENT APRÈS
LA FIN DU MOYEN AGE ?
DEUX AUTRES REPÈRES
Puisque nous ne présentons pas une histoire de la littérature et du beau latin
mais une "Histoire de la Pensée", nous avons choisi deux autres repères historiques
pour SÉPARER LES TROIS PÉRIODES.
Le premier me semble évident. Puisque tous s'accordent sur l'importance de
l'influence de la foi chrétienne, prenons le temps de boire à la source, c'est à
dire de lire les quatre évangiles au lieu de commencer par les commentaires des
théologiens. L'année 30 pendant laquelle se termine la prédication de Jésus de
Nazareth sera donc notre point de départ de la période centrale.
Quant à la date finale de notre "Période centrale", elle a été arrondie à 1600
avec "Descartes" qui essaie d'enfermer la pensée dans les limites étroites de la
pure rationalité.
Il y a face à lui son génial adversaire "Pascal" qui disqualifie ce naturalisme
illusoire en montrant que l'homme tel qu'il est, devient incompréhensible en
dehors de la Révélation évangélique.
PHILOSOPHIES, CROYANCES, THÉOLOGIES
L'introduction générale et l'exposé préalable, que tout lecteur doit avoir lus
pour comprendre la méthode suivie, ont précisé la signification qui a été choisie
pour chaque mot important : la "philosophie" au singulier désignant les 5
questions qu'on y pose. Les "philosophies" au pluriel désignant les systèmes de
réponses purement rationnelles, les "croyances" se basant sur des traditions
humaines et les "théologies" se basant sur une parole reçue de Dieu.
LA BICYCLETTE ET LA FUSÉE
Quelques lecteurs seront étonnés de la place que nous allons donner à la
Révélation évangélique car ils ont peut-être lu l'une ou l'autre "Histoire de la
philosophie" qui n'en parlait pas. Même lorsque les historiens insistent
sur Saint Augustin par exemple, ils se contentent de ce qui leur apparaît comme
purement philosophique dans ses oeuvres.
Pour expliquer mon point de vue, je demande ce qu'il faut penser d'un historien
des moyens de transport qui se contenterait de parler de la roue, de la
charrette et de la bicyclette. Au lecteur qui lui ferait remarquer qu'il
faudrait également parler de l'automobile, de l'avion et de la fusée,
l'historien répond qu'il ne veut pas en parler car il veut "se limiter"
dans son histoire au moyens de transport qui utilisent la force musculaire en
refusant la force du moteur à explosion...
Un historien de la Pensée qui veut se contenter de la force de la raison humaine
et refuse d'examiner une foi religieuse qui a eu et a encore une telle influence
est aussi ridicule que mon historien des moyens de transports, enfermé dans ses
antiquités.
LA NOUVEAUTÉ ABSOLUE DU NOUVEAU TESTAMENT
Car tout homme cultivé devrait au moins prendre conscience du caractère unique
du fait historique avec lequel commence la Période centrale de l'histoire de la
Pensée : il s'agit de la nouveauté absolue du Nouveau Testament : des juifs
adorent un crucifié "maudit par Dieu!" (Galates 3/13)
Pour s'en rendre compte, il faut connaître un peu la mentalité juive à cette
époque. Cette mentalité, on peut encoure la rencontrer de nos jours, non
seulement chez les juifs, mais encore chez les musulmans.
A leurs yeux, la plus grande faute serait de considérer qui que ce soit comme
égal au Dieu unique !
La nouveauté absolue du Nouveau Testament est que, dans ce texte, des juifs
adorent comme égal à Dieu non seulement un homme : Jésus de Nazareth, mais un
homme qu'ils disent avoir vu crucifié, cloué sur une croix, ce qui, d'après leur
bible signifie "maudit de Dieu". "Maudit de Dieu celui qui est pendu au bois"
(Deut.21/23 Gal 3/13).
Il ne s'agit pas de deux ou trois Juifs. Ils sont suffisamment nombreux et
convaincus pour que, trois cents ans seulement après les faits, les chrétiens
gagnent à leur conviction la direction du tout puissant empire romain et que, de
nos jours, cette conviction est partagée par plus d'un milliard d'hommes ! Une
histoire de la Pensée doit accorder à cette foi une attention spéciale.
Tout homme réfléchi devrait trouver une explication satisfaisante à cette
"nouveauté" dans l'Histoire de la Pensée : des juifs adorant un crucifié comme
égal à Dieu (cf exposé préalable partie IV et Période centrale - chap. 2 Jean
Guitton)
Dans l'exposé préliminaire, j'ai déjà rappelé la réflexion de Jean GUITON dans
son livre "Jésus". Seule l'explication que les apôtres ont donnée peut rendre
compte de cette attitude : ils ont rencontrer Jésus ressuscité dans la gloire de
Dieu.
Ainsi donc, c'est la FOI dans un FAIT absolument NOUVEAU qui bouleverse
l'HISTOIRE DE LA PENSÉE : un homme a vaincu la MORT. Il était en fait,
plus que le Messie attendu, il était Dieu devenu homme pour que les hommes
puissent devenir participants à la nature divine.
ESCHATOLOGIE BOULEVERSÉE
Nous acceptons que la cinquième question de la philosophie : "Qu'y a-t-il au
delà de la mort?" (l'eschatologie) est la question décisive, puisque le choix de
mon vrai bonheur (qui est l'objet de la question centrale de l'éthique) dépend
de l'au-delà de la mort.
Le bouleversement de l'eschatologie par le FAIT de la résurrection va donc
entraîner un bouleversement total dans les cinq parties de la réflexion humaine
:
- 1° la
connaissance
- 2° La
perception du réel
- 3° Le choix
du bonheur
- 4°
L'organisation de la société
- 5°
L'au-delà de la mort
LA SOURCE
Dans un premier chapitre, nous ferons une première lecture des quatre Évangiles,
un premier choix des paroles de Jésus qui bouleversent les réponses à nos cinq
questions. Ces paroles de Jésus sont la source de la deuxième période de
l'Histoire de la Pensée. Prenons le temps de les lire !
Dans l'Histoire de la Pensée, les quatre Évangiles occupent à nos yeux la place
centrale.
Un autre livre peut cependant nous faire comprendre que la Révélation
évangélique doit être traduite et transmise dans des cultures nouvelles : Actes
de Apôtres.
LES ACTES DE APÔTRES
Dans le Nouveau Testament, on trouve le livre des Actes de Apôtres après le
texte des quatre Évangiles. Mais on devrait peut-être le lire en premier
lieu, car il montre comment la foi de quelques juifs en Jésus devient la foi de
quelques non-juifs. Nous assistons au premier effort de traduction et de
transmission. Ce premier passage de la Révélation Évangélique d'un peuple à un
autre souligne d'ailleurs la différence entre le particularisme d'ISRAËL et
l'universalisme chrétien. De plus, ce passage met bien en évidence que la
première place n'est plus donné à une morale d'obéissance à des commandements,
la "LOI", mais à une morale de confiance en un pardon divin qui rend justes
(même s'il y a également exigence de conversion).
Tout au long de l'Histoire des Églises, et encore aujourd'hui, on trouve la
tendance de l 'apôtre Jacques : confondre la révélation évangélique avec des
éléments accessoires des cultures liées à un temps et à un lieu donnés et que
nous pouvons appeler christianismes au pluriel.
En lisant les actes de Apôtres, on peut également remarquer que les "discours"
donnent le "sens" d'ACTES nouveaux qui ont fait jaillir une question.
De nos jours, ce sont des ACTES "nouveaux" qui susciteront des questions dans le
coeur des non-chrétiens. Il faudra ensuite en donner le "sens" en employant le
vocabulaire de leur culture.
FORMATION DES ÉVANGILES
Ce sont des questions posée par des incroyants et des nouveaux chrétiens qui ont
provoqué sans doute la rédaction progressive des quatre Évangiles.
Pour y répondre, les apôtres racontent l'un ou l'autre épisode de la vie de
Jésus, l'une ou l'autre de ses paroles.
Selon un processus un peu semblable à un reportage, il y a eu sans doute un
montage de "plans", de "séquences" géographiques ou logiques.
La formation des nouveaux convertis (ce que l'on appelle la catéchèse) et les
célébrations liturgiques sont également des occasions de présenter des faits et
des paroles de Jésus et ce cadre a sans doute "coloré" tel ou tel texte.
Enfin, chaque rédacteur des quatre Évangile a, (d'une manière plus ou moins
consciente) accentué un aspect de la vie et de l'enseignement de Jésus.
- Chez Matthieu qui s'adresse plutôt à des chrétiens
d'origine juive, Jésus apparaît un peu comme un nouveau Moïse apportant une
nouvelle Loi.
- Marc, semble-t-il, veut montrer que ce ne sont pas
les juifs ni les apôtres qui ont surtout reconnu Jésus mais des païens comme le
centurion.
- Luc, a également ses accents, la miséricorde, le rôle des
femmes, un plan géographique tendu vers Jérusalem.
- Jean apparaît plus profond mais il est également plus
exact. Son expression s'adapte à plusieurs cultures, l'hellénisme, Qumran,
etc...
LA FORME ET LE FOND
Des spécialistes de la Bible appelés exégètes consacrent toute leur vie à
détecter l'influence des milieux, des rédactions et des rédacteurs...
Il est évident que les quatre Évangiles ne sont pas "exacts" puisqu'il y a des
différences entre eux lorsqu'ils rapportent les mêmes faits et les mêmes
paroles, comme c'est également le cas lorsque deux d'entre nous font un rapport
sur ce qu'ils ont vu de leurs propres yeux. Mais ces exégètes dépassent les
limites de la vérification scientifique lorsqu'ils prétendent que Jésus n'a
pas dit telle parole ou n'a pas eu telle attitude rapportée pourtant dans les
textes. En définitive, le choix s'impose entre deux attitudes seulement.
- Ou bien on imagine un Jésus exégétique plus ou moins romancé, appuyé
sur l'autorité de la "majorité des exégètes". Cette méthode est peut-être
"démocratique", elle n'est pas scientifique, parce qu'elle n'est pas vérifiable.
- Ou bien on s'en tient aux textes complets en renonçant à l'exactitude,
en goûtant l'essentiel.
Toute "Histoire de la Pensée" peut ainsi s'en tenir au texte canonique. Cette
attitude s'impose encore plus aux "théologiens" qui considèrent ce texte comme
"Parole de Dieu".
LES TROIS LECTURES
Il y a au moins trois manières de lire les quatre Évangiles :
* Il y a la lecture CRITIQUE qui essaie d'établir le texte, de discerner les
influences littéraire, de rejoindre des faits historiques. On peut consacrer un
certain temps à cette étude.
* Il y a ensuite les lectures THÉMATIQUE. Dans un premier chapitre qui suit
cette introduction à la Période Centrale, nous choisissons quelques paroles de
Jésus selon les thèmes de nos cinq questions. Chaque lecteur peut ainsi
rechercher dans les Évangiles des réponses à ses questions. Le danger est alors
d'ignorer des questions et des réponses que Jésus considère comme décisives.
* Il faut donc mentionner une troisième manière de lire les quatre Évangiles
même si elle n'a pas sa vraie place dans une Histoire de la Pensée. Il s'agit de
la LECTURE SPIRITUELLE qui est toute personnelle.
La question n'est plus alors :
- Que s'est-il passé ? (exégèse)
- Qu'est-ce que cela signifie ? (Théologie)
mais
- Que dit Jésus à moi aujourd'hui ?
LES TROIS CLÉS
Pour une lecture spirituelle des évangiles
Pour entrer dans cette lecture spirituelle, trois CLÉS sont nécessaires. Elles
sont cachées dans ces trois paroles de Jésus :
1. Luc 10/21 : "Je te remercie, Père, d'avoir caché cela à ceux qui se croient
savants et de l'avoir révélé à ceux qui se savent petits".
2. Jean 16/12-13 : "C'est l'Esprit Saint qui vous conduira vers la compréhension
tout entière".
3. Luc 11/13 : "Le Père donnera l'Esprit Saint à ceux qui persévèrent à le lui
demander" (dans la prière incessante).
Voici les conclusions que l'on peut tirer de ces trois paroles de Jésus.
Elles constituent trois avertissements pour ceux qui voudraient découvrir le
vrai sens caché de ses paroles.
1/ Ceux qui s'imaginent pouvoir comprendre les évangiles par un effort seulement
humain sont rendus incapables par Dieu d'en saisir le véritable sens.
2/ Seule une lumière divine surnaturelle aide le croyant à progresser sans fin
dans une compréhension toujours plus profonde.
3/ Ainsi donc, la première chose que je dois faire, chaque fois que je me remets
à lire les paroles de Jésus, c'est de demander d'abord à Dieu le Père la lumière
de l'Esprit Saint qui seul me conduira sans fin vers une compréhension plus
profonde.
CINQ RENCONTRES
Il ne faudrait surtout pas réduire la vie spirituelle chrétienne à cette lecture
spirituelle. Le texte lui-même des quatre évangiles nous suggère au moins cinq
rencontres vivantes avec Jésus : le dévouement pour le plus pauvre, la
prière seul, la lecture spirituelle des évangiles, la communauté chrétienne et
l'eucharistie. (voir
PCchap1 - 5 "Nouveauté absolue de la vie chrétienne")
LES SEPT CHAPITRES
Le choix de s'engager dans ce dialogue spirituel dépend de chaque personne
individuelle. Mais les sept chapitre de la seconde partie de cette Histoire de
la Pensée peuvent l'aider dans sa recherche personnelle. Voici, en quelques
mots, le contenu :
1. Le premier chapitre cite pour chacune des cinq questions de la philosophie
des paroles de Jésus qui y correspondent. Ce sont ces paroles et d'autres qui
vont déclancher le mouvement des idées.
2. Le deuxième chapitre donne un aperçu des interférences inévitables qui
désormais interviennent entre philosophies et théologies.
3. Le troisième chapitre rappelle le contexte historique général : l'Empire
romain, les invasions, la naissance de l'Islam, la chrétienté et les
bouleversements qui la secouent entre 1300 et 1600.
4. Ce n'est qu'à partir du quatrième chapitre que nous passons en revue les
grands auteurs : les Pères grecs et les Pères latins avec le sommet constitué
par la pensée d'AUGUSTIN. Le quatrième chapitre va de 30 à 800.
5. de 800 à 1200 : difficulté pour la philosophie mais épanouissement de la
théologie mystique avec Bernard.
6. De 1200 à 1300 : le siècle des Universités et des synthèses chrétiennes avec
Thomas d'Aquin
7. De 1300 à 1600 : l'ordre médiéval se scinde en sept morceaux.
L'intérêt de cette étude est évident pour les chrétiens mais également pour
les autres. Il est important de savoir comment les chrétiens des siècles passés
ont compris les Évangiles. On ne peut comprendre le monde moderne et
contemporain sans avoir étudié ce qui a précédé.
Pour les futurs prêtres et religieux catholiques, cette étude peut les aider à
"situer" les lecture qu'ils sont invités à méditer chaque jour : les
commentaires des Pères de l'Église. "L'Office romain des lectures : livres des
jours" (Desclée de Brouwer 1976) constitue une bibliothèque de texte choisis au
long des 20 siècles de l'Histoire de la Pensée chrétienne.
suite PCchap1
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