PC
Chap.4
-3-

                                                  
PREMIÈRES INCULTURATION DE LA RÉVÉLATION ÉVANGÉLIQUE
PÈRES LATINS  (Augustin, avant et après)
 

 

 

 

Sommaire

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sommaire

 
VIII. LES PÈRES LATINS AVANT AUGUSTIN

1. MINUCIUS FÉLIX (200)
Les spécialistes contesteront peut-être la première place des écrivains chrétiens de la langue latine accordée à cet apologète et donneront la première place au second, Tertullien...

2. TERTULLIEN DE CARTHAGE (155-225)
Né païen, converti. Après avoir écrit ses premiers livres en grecs, il écrit en latin et crée les mots latins pour exprimer la Révélation évangélique. Polémiste il est connu pour son mépris de la philosophie. Il emploi des formules provocantes mais que l'on traduit peut-être mal en français. "Que le Fils de Dieu soit mort, il faut le croire puisque c'est incompréhensible" " en latin il y a le mot INEPTUM".
        1° "Le plus illettré des chrétiens répond sans hésiter à des questions insolubles pour Platon".
        2° En morale Tertullien est pour la sévérité (D'ailleurs il quitte l'Église catholique pour la secte montaniste...) Plus de pardon pour l'adultère, l'homicide et l'apostasie. Il faut renoncer aux spectacles.
        3° "Torturez, tuez les chrétiens, mais sachez que le sang des chrétiens est une semence".
        4° La seule chose qui importe dans ce monde c'est de le quitter au plus vite.

3. CALLISTE (pape entre 217 et 222)
J'ai choisi de mentionner le nom de ce pape, non  pas en fonction d'un livre qu'il aurait écrit, mais parce qu'il s'agit d'un ancien ESCLAVE devenu Évêque à Rome ! La Révélation évangélique aboutit à cette promotion en 200 ans ! c'est à lui que s'oppose HYPPOLITE (170-235) à qui nous devons le texte des plus anciennes prières eucharistiques. Tous deux meurent martyrs.

4. CYPRIEN DE CARTHAGE (200-258)
 Originaire de la haute société de Carthage, ayant reçu la formation de haut fonctionnaire, converti par un prêtre, continuant à lire en secret les livres de Tertullien, devenu évêque, il se réfugie à la campagne lors de la persécution de 249. Se pose alors la question des "LAPSI" c'est-à-dire de ceux qui sont "TOMBÉS", car, par crainte de la mort, ils ont renié la foi.
Cyprien se réserve la décision de les réintégrer, car, dit-il "l'assurance du salut est liée à l'appartenance à l 'ÉGLISE et donc à la communion à l'évêque".
"Nul ne peut avoir Dieu pour Père s'il n'a pas l'Église pour mère". Nous avons  ici le quatrième élément de la recherche théologique signalé dans l'introduction de ce chapitre : LE RÔLE DE L'ÉVÊQUE.
Ses œuvres sont importantes pour la théologie. N'oublions pas qu'il est antérieur au concile de Nicée car nous avons passé en revue tous les "grecs"  avant d'étudier les "latins" (texte sur la prière la 11e semaine. récit de son martyr; Office du16 septembre)

5. ARNOBE (260-327)
Un orateur païen qui écrit une attaque contre le paganisme pour persuader son évêque qu'il mérite d'être baptisé : il est intéressant de voir comment il présente sa foi.

6. LACTANCE (260-327)
Rhéteur devenu chrétien sous l'influence d'Arnobe, préfère perdre ses fonctions plutôt que de renier sa foi. Converti à son tour, Constantin le choisit comme percepteur pour son fils.
D'après lui, il y a "des parties de vérités chez les philosophes mais dans une masse d'erreur. Personne ne peut faire le tri ni l'assemblage s'il n'est pas enseigné par Dieu. Seul, lui qui a crée peut savoir. Suivons Dieu s'il nous enseigne. Ailleurs, il y a sagesse sans religion ou religion sans connaissance. Chez les chrétiens, les prêtres sont philosophes. La vie éternelle est le BONHEUR SURPRÊME".
(Lactance sera le premier auteur imprimé en Italie en 1465 !)

7. HILAIRE DE POITIERS (315-367)
Exilé en Orient à cause de sa fidélité au concile de Nicée, il devient à son tour le meilleur défenseur des vérités proclamées par ce concile et qui n'était pas très bien saisies chez les latins. La prière que l'on trouve aux lectures du 13 janvier peut aider tout chrétien dans sa contemplation du mystère de la Trinité.(lecture du 13 janvier)

8. AMBROISE DE MILAN (339-397)
Né d'une famille de l'aristocratie romaine et connaissant donc le grec, il devient préfet de Milan. Le cri d'un enfant : "Ambroise évêque" détermine sa vocation alors qu'il n'est pas baptisé.
Son épiscopat très ferme apporte la paix autour du credo de Nicée.
    1° "Il vaut mieux craindre les grandeurs divines que de prétendre les connaître". Utilise l'allégorie sans frein pour expliquer la Bible.
    3° "Je ne veux pas me vanter d'être juste mais d'être racheté". Le bien suprême n'est plus la VERTU mais le bonheur de l'union à Dieu. Il ne sert à rien que le Christ soit venu en ce monde s'il n'entre en mon coeur pour vivre en moi et parler en moi".
    4° Utilise son passé de haut fonctionnaire imposer une pénitence à l'empereur mais aussi pour défavoriser les païens de Rome, les ariens, les juifs !!!
    5° "La mort est un avantage et la vie un tourment". Grand homme lui-même, il est aussi celui qui a baptisé AUGUSTIN.

9. JÉRÔME (347-420)
Né près de la Croatie, il se passionne à Rome pour le beau latin de Cicéron. Il se convertit, devient moine à LIUBLIANA, puis part en Orient où il étudie le grec et l'hébreu. Dans un rêve il se sent accusé d'être un cicéronien et non un chrétien". Décide de faire connaître "à ceux qui  parlent ma langue (le latin) la science des hébreux et des grecs". Secrétaire d'un pape, il quitte ensuite Rome avec colère et s'établit à Bethléem. Auteur de la nouvelle traduction latine de la BIBLE appelé "VULGATE" il consacre beaucoup de temps à écrire des lettres de dispute avec beaucoup de monde y compris ces anciens amis dont Rufin, l'ami d'Augustin.

10. JEAN CASSIEN (350-432)
D'origine roumaine, moine à Bethléem, ordonné diacre par Chrysostome, il fonde deux monastères, un pour hommes, un pour femmes à Marseille. Ses conférences spirituelles (collationes) seront lues pendant des siècles dans les monastères.


IX. AUGUSTIN D'HIPPONE
Celui qui a trouvé le vrai bonheur
et qui a su exprimer son cheminement

Tous ceux qui, dans leur recherches du bonheur utilisent des livres, tous ceux qui s'intéressent à l'histoire des philosophies, tous ceux aussi qui s'intéressent aux théologies devraient faire l'effort nécessaire pour connaître personnellement le livre d'Augustin d'Hippone qu'on appelle les "CONFESSIONS" mais dont le titre devrait être "Reconnaissances". (Voir fin de l'Exposé Préalable).
Personnellement je regrette d'avoir consacré trop de temps à d'autres philosophies et pas assez à ce grand frère dans la foi. Bien sûr, Augustin lui-même nous renvoie à la Bible et plus exactement à Jésus. Mais cela dit, on peut défendre la conviction selon laquelle il est un des plus grand philosophes de tous les temps en soulignant sept motifs.
    - La question centrale de sa philosophie est bien le bonheur :"Il n'y a aucun autre motif qui peut pousser un homme  à philosopher sinon sa volonté d'être vraiment heureux".
    - Il "cherche", plus exactement il change d'opinion souvent. D'autres semblent avoir toujours été fixés et présentent donc moins d'intérêt.
    - Il "trouve", alors que d'autres avouent qu'ils ne savent rien.
    - Il nous apparaît comme un "frère" dans son incapacité de vivre conformément à la vérité qu'il a découverte. Ce n'est qu'après avoir supplié Dieu qu'il est converti par Dieu.
    - Ce n'est pas tout. Après la période euphorique qui suit la conversion, il lutte pour rester fidèle. IL n'y parvient pas et de nouveau recourt à la supplication de la prière !
    - D'autres, sont peut-être, passés par les cinq points précédents. Augustin les surpasse par l'expression écrite que l'on peut apprécier davantage si on connaît le latin mais que l'on peut admirer en français.
    - Enfin, pendant trente quatre ans, il remplit la lourde charge d'évêque. (Il réagit parfois avec excès aux doctrines qui se répandent à cette époque.)

Après avoir préparé 40 pages concernant ce grand maître de sagesse, je suis contraint d'en extraire quelques lignes en espérant que plusieurs lecteurs se décideront à lire au moins "les Confessions" qui malheureusement contiennent des passages trop difficiles pour beaucoup.

BIOGRAPHIE
Le livre des "Confessions", qui est un livre de "Reconnaissance" adressé à Dieu, raconte sa vie, une vie ordinaire mais écrite par un génie. Cette vie est une philosophie, c'est-à-dire une recherche du vrai bonheur. Le  livre souligne le rôle de Monique, sa mère, d'Ambroise, mais aussi de quelques convertis illettrés qui constituent pour lui un défi.
Né en 354 en Algérie, près de la frontière tunisienne, d'origine berbère, mais de culture romaine, Augustin reçoit l'aide d'un ami de son père pour étudier la rhétorique, l'art de parler en public.
A 18 ans, il choisit une concubine à laquelle il sera fidèle pendant 15 ans.
Son métier : professeur de rhétorique dans divers villes d'Afrique du Nord, puis à Rome et enfin à Milan.
Un livre où Cicéron résume la philosophie grecque fait naître une recherche passionnée de vérité. Le premier contact avec la Bible le dégoûte à cause du style.
Augustin adopte de 373 à 383 une "religion pour intellectuels" : le manichéisme, un dualisme d'origine perse présenté au 2e chapitre de la Première Période. (PP chap. 2)
Puis Augustin s'intéresse à l'astrologie qu'il abandonne également. Après quoi il suit les "Académiciens" qui, à cette époque sont des sceptiques (PP chap. 7)
En juin 386, il découvre les livres "platoniciens" ou plutôt  plotiniens "qui disent où aller sans dire par où aller" (PP chap. 7)

LE LIVRE HUITIÈME
Et c'est alors le huitième livre des Confessions que même le lecteur pressé devrait lire intégralement. Augustin est convaincu de la foi chrétienne mais "deux volonté en moi bataillaient entre elles,... le désir de l'union charnelle me tenait". Il entend le récit de la conversion soudaine de deux simples soldats qui décident de se faire moines :
"Que je désire être l'ami de Dieu, et dans le même instant m'y voici !"
Il entend en lui-même la voix des mauvaises habitudes qui se moquent de lui : "Tu crois que tu pourras ?"
Des larmes et une supplication : "Et toi, Seigneur, jusques à quand ?" Une voix enfantine se fait entendre : "Prends et lis" Il trouve le 13e verset du 13e chapitre des Romains
"Aussitôt la lecture finie, les ténèbres du doute se dissipèrent toutes comme sous une lumière de sécurité infuse en mon coeur".
"TU ME CONVERTIS VERS TOI  A TEL POINT qu'il ne fut plus question ni de mariage,  ni de n'importe quel désir de ce monde-ci".
Le neuvième  livre est rempli de joie et de surprise et de prière. Augustin est bouleversé en priant les psaumes. Il est baptisé avec ses amis le 25 avril 387.
Avec ses amis, il repart en Afrique du Nord pour y vivre la vie monastique. Mais en 391, de passage à Hippone, il est contraint d'accepter l'ordination sacerdotale par l'évêque auquel il succède de 396 à 430. En plus d'une activité débordante, il trouve le temps d'écrire 113 livres ou il aborde les cinq parties de la philosophie.
Puisqu'il s'agit ici d'une rapide initiation, voici quelques lignes sur les convictions d'Augustin face à nos cinq questions.

1° ÉPISTÉMOLOGIE AUGUSTINIENNE
La connaissance n'est qu'un moyen pour obtenir la béatitude aux yeux d'Augustin comme le rappelle GILSON dans son "Introduction à l'étude de Saint Augustin" (Vrin 87)
Trois moyens pour obtenir la vérité, l'humilité, l'humilité, l'humilité !!! Mais aussi l'amour "Amène-moi un homme de désir, un homme qui aime et il comprendra ce que je dis".
Augustin avant Descartes met fin au doute en disant : "Si fallor, sun" "Même si je me trompe, j'existe, car pour se tromper, il faut exister".
Il raconte ses doutes, sa peur de croire une croyance fausse... Il remarque que c'est "la RAISON qui nous persuade de croire" et qui donc dans un certain sens précède chronologiquement la foi.
En tout cas, Augustin en arrive clairement à faire reposer toute sa CONNAISSANCE sur la BIBLE "la Sainte Écriture". On compte 13 276 citations de l'Ancien Testament et 29 450 citations du Nouveau dans ses œuvre. On connaît le "Crede ut intelligas". "Crois pour comprendre le sens de la vie". Pour ce qui est de l'origine des être, Augustin corrige Platon pour le rendre plus conforme à sa foi. Les "modèles idéaux" sont en Dieu et nous les connaissons grâce à une illumination divine du  maître intérieur" qui en chacun de nous, vous fait dire : c'est vrai. (Voir Exposé Préalable 1°a)
Encore deux formules :
- Par la foi, c'est le Christ qui habite en toi.
- Je ne veux pas être sauvé sans vous.
Cette dernière parole qui est appuyée par une activité apostolique débordante corrige la bipolarité de l'ontologie "Dieu et l'âme, rien de plus".

2° ONTOLOGIE AUGUSTINIENNE
Certains passages d'Augustin réduisent la philosophie à une double question : l'âme et Dieu. "Que je me connaisse, que je te connaisse". En fait, il est fasciné par le problème du Mal. A la suite des Manichéens il imagine pendant un temps deux "blocs", celui du Bien, celui du Mal. Plus tard, il découvre que les choses ne sont ni pur être, ni pur non être, que le mal est une privation de bien.
Sur Dieu également, il a eu des idées matérielles : "J'ai interrogé la terre, elle m'a dit, ce n'est pas moi".
Finalement, il veut tellement écarter l'instabilité de son idée de Dieu qu'il se fixe trop sur l'immuabilité. Dieu ne peut pas changer, en lui il n'y a nul "il était", nul "il sera".
Impressionné par la réponse de Dieu à Moïse, il pose la question : "Ton nom serait-il l'Être même ?"
Il a de longues considérations sur le temps. Peut-on penser un temps avant la Création ? Pendant vingt ans il compose un ouvrage sur la Trinité. Dans tout ce qui est spirituel, il en découvre des traces : "être, connaître, vouloir". Mais toujours, il y a "de quoi sentir à quel point on est loin d'elle".
Très belles formules latines sur "le Christ en tant que Dieu est la Patrie où nous allons, le Christ en tant qu'homme est le chemin par lequel nous y allons".
Mais concernant Dieu, il y a surtout d'innombrables réflexions qui montrent Dieu comme la Providence à qui Augustin s'adresse tout au long des Confessions.
        "Tu étais toujours là, miséricordieusement cruel".
        " Toi, sans que cela se voie, tu me gouvernais."

3° ÉTHIQUE AUGUSTINIENNE
Alors que beaucoup de Pères de l'Église antérieurs présentent plutôt une morale d'Ancien Testament avec des commandements ou une morale stoïcienne avec des vertus, Augustin crée une synthèse entre :
        - l'expérience quotidienne des hommes de tous les temps (le cœur sans repos)
        - l'expression philosophique d'Aristote qui avait proposé le bonheur de l'amitié en la disant cependant impossible avec Dieu (Tu  nous a crées ayant soif d'absolu)
        - et la révélation évangélique de l'amour de Dieu en Jésus. "Tu nous as crées ayant besoin de toi et notre cœur est inquiet jusqu'à ce qu'il commence à reposer en toi", car nous pouvons désormais accéder à ce bonheur absolu grâce au MÉDIATEUR JÉSUS.
Sa morale est une morale de bonheur comme il le redit dans le sermon 231.
"Vous voulez être heureux, je le sais.
On ne vous demande pas de renoncer au désir, mais de choisir ce que nous devons désirer
."... s'adressant à Dieu, Augustin constate la sottise du péché : "Inclinés vers des biens qui sont du dernier ordre, nous désertons les biens meilleurs, à savoir TOI".
"Le concept d'Amour chez Augustin" d'Hannah ARENDT (1906-1975) précise les sens des mots "amor" (désir), cupiditas (désir des créatures), dilecto (dévouement), caritas (désir de Dieu). Celui qui a choisi Dieu est en paix. "Quel agresseur pourrait te voler ton Dieu ?". Il ne faut bien sûr pas oublier que l'homme ne peut parvenir à choisir Dieu, sans demander et obtenir la force de Dieu. "Je cherchais une voie où acquérir la vigueur apte à JOUIR de Toi et je ne trouvais pas avant d'avoir saisi le MÉDIATEUR JÉSUS.

Combat après sa conversion
Le dixième livre des Confessions décrit un combat pour être fidèle au choix de la conversion :"Donne-moi ce que tu commandes et commande ce que tu veux". Car il faut recommencer chaque jour à préférer Dieu, en renonçant à tous les désirs qui lui font concurrence. Et Augustin passe en revue tous les sens pour examiner s'il ne leur donne pas trop de satisfactions.
Bien sûr, la mode actuelle étant chez certains de se laisser aller, cet examen de conscience leur apparaîtra comme un scrupule pathogène? On en peut que leur répondre le mot d'Augustin : "Amène-moi ici quelqu'un qui connaît le désir de Dieu, et lui comprendra".

Désir et dévouement
D'autres vont penser qu'Augustin insiste trop sur le désir de posséder Dieu et pas assez sur le dévouement envers les hommes. On peut même encore en trouver qui prétendent se dévouer de manière désintéressée et qui se trouve ainsi complètement  déphasés par rapport à l'individualisme contemporain.
Augustin est plus réaliste, plus actuel et plus chrétien en disant : "L'amour de Dieu est le premier dans l'ordre du précepte, l'amour du prochain est le premier dans l'ordre de la  pratique. C'est en aimant le prochain que tu mérites de voir Dieu. Porte celui avec qui tu marches, pour parvenir à Celui avec qui tu DÉSIRES demeurer".
Tout part d'un désir du vrai bonheur mais aboutit à un dévouement. On trouve chez les chrétiens d'autres morales, elles sont peut-être moins solides que celle d'Augustin.

Faiblesse et supplication
Il faut sans doute revenir sur l'expérience de la faiblesse humaine qu'Augustin découvre dans son combat spirituel après la conversion. "Je désespérais... Nous aurions tenus nos cas comme désespérés... dans la terreur de mes péchés, j'avais le projet de fuir dans un ermitage...".
La confiance revient dans le cœur d'Augustin lorsqu'il pense à  l'incarnation, à la croix de Jésus, à l'eucharistie.
"Jésus, éloigné tel qu'il est, s'est fait chair et il a habité parmi nous. Tu m'as interdit de fuir dans la solitude en me rassurant par ces paroles : le Chris est mort pour tous. Tu vois Seigneur, je jette en toi mes soucis. Tu connais mon incapacité, ma faiblesse. Ton fils m'a racheté par son sang. Je songe au prix de ma rançon, je le mange, je le bois, je le distribue ! Pauvre moi-même, je désire en être rassasié parmi les pauvres".
(Confessions, lecture 16e vendredi) (confessions X extrait)
Des spécialistes, ceux qui croient avoir découvert le cœur de la pensée d'Augustin, si on leur fait lire cette trop rapide présentation lui reprocheront des lacunes graves. Qui d'ailleurs peut prétendre connaître une doctrine si riche ? Un exemple la "Règle" du monastère d'Augustin que l'on peut se procurer dans les diverses congrégations augustines pourrait rendre service aux communautés où des riches se vantent de ce qu'ils ont apporté et, dit Augustin y perdent l'humilité alors que les pauvres qui y rentrent, y perdent leur pauvreté, tandis que tous y murmurent et y perdent la charité !!!

Augustin - Pelage
La grâce de Dieu - l'effort de l'homme

Mais les spécialistes attendent surtout que l'on s'étende sur la querelle avec PÉLAGE qui provoque chez Augustin des excès de polémiques contraires à la Révélation évangélique.
Pélage est un moine laïc de Rome, qui, pour réagir au laxisme de certains chrétiens insiste trop sur l'effort de l'homme. La destruction de Rome le fait fuir en Afrique, puis en Palestine. Un évêque africain, Julien d'Eclane, appuie les thèses de Pélage...
Réagissant avec excès à l'insistance de ces Pélagiens, Augustin et, plus tard Luther et les Jansénistes, croient devoir montrer la nécessité absolue de la grâce de Dieu et sa gratuité en prétendant  que cette grâce n'est pas donnée à tous !!! Ainsi, pensent-ils, il sera clair que cette grâce es donnée gratuitement aux autres ! C'est Dieu qui prédestine ceux qui seront sauvés. Puisque Pélage donne toute la place à la liberté de l'homme, Augustin, dans ses théories, donnera toute la place à la grâce de Dieu.
Cette querelle va encombrer l'histoire de la théologie chez les latins. Dans cette Histoire de la Pensée nous serons contraints d'en parler mais nous lui donnerons le moins de place possible.

Cinq paroles
 Cette querelle nous donne l'occasion de nous rappeler que, pour un chrétien, la norme de la vérité n'est pas tel ou tel auteur, mais Jésus et le texte intégral des 4 évangiles.
Et pour que, dans ce débat concernant la place respective de la grâce de Dieu et de l'effort de l'homme nous ne tombions pas dans l'une ou l'autre hérésie, c'est à dire le choix d'un aspect et l'oubli d'un autre, il nous faut sans cesse méditer cinq paroles de Jésus au moins.
        1/ Jean 15/5 " Sans moi vous ne pouvez rien faire" montre que ceux qui s'appuient uniquement ou d'abord sur l'effort de l'homme sont en désaccord avec l'enseignement de Jésus.
        2/ Mt 18/14 " Le Père ne veut pas qu'aucun de ces petits ne se perde" montre qu'Augustin a tord de dire que la grâce n'est pas donnée à tous.
        3/ Mt 19/21 " Si tu veux..." montre que tout dépend aussi du choix de chaque personne.
        4/ Marc 13/13 " Seul celui qui persévèrera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé" montre qu'une décision d'un jour ne suffit pas mais que chacun doit combattre et persévérer.
        5/ Marc 14/38 " Veillez et priez", cette insistance de Jésus rappelle que le premier effort libre est celui qui de la supplication.
Tout dépend de Dieu... Tout dépend de l'homme...
Dans ce débat, comme dans beaucoup d'autres débats théologiques vouloir "com-prendre"  (prendre ensemble), vouloir harmoniser les paroles de Jésus nous conduit sans doute à renoncer à être chrétien vraiment. Mieux vaut sans doute renoncer à vraiment comprendre.

Corrections
La preuve qu'Augustin ne pense pas vraiment tout ce que la polémique lui fait écrire, ce sont ces lignes du sermon 22 où il envisage que PERSONNE ne sera damné !!
"S'il (Jésus) menace de venir en qualité de juge, c'est pour ne trouver PERSONNE à punir quand il viendra. Si Dieu voulait condamner, il se tairait. Si damnare vellet, taceret".

4° PHILOSOPHIE ET THÉOLOGIE POLITIQUE d'AUGUSTIN
Quelques lignes sur la pensée d'Augustin en politique car ce n'est pas dans ce domaine que nous devons recourir à lui.
Cependant la "Cité de Dieu" qui nous donne plutôt des réponses à la cinquième question concernant le sens de l'histoire, pourrait aider les philosophes de la politique. Augustin montre que, dès qu'il y a une similitude et une communauté de désir, il y a une société", "une cité". Donc, autant de "cités", autant de "sociétés" que d'objets désirés, aimés.
Cette réflexion élémentaire pourrait être rappelée et provoquer la question radicale et bienfaisante : quels sont les "biens" qui rendent réellement heureux par lesquels une "société" devrait s'organiser Uniquement la production d'objets inutiles ??? Ou Dieu lui-même ? La politique est donc dépendante de l'éthique comme j'ai essayé de le montrer (Exposé Préalable 4°)
En tout cas, Augustin parle de ceux qui désirent Dieu et forment donc ensemble la cité de Dieu. Mais, cette "cité de Dieu", ce n'est pas l'Église visible comme certains qui ne savent pas lire l'ont fait dire à Augustin. "L'Église a en elle des membres ici sur terre qui ne le seront pas dans le ciel". Il y a un mélange "permixio". Il y a même des excommuniés de l'Église visible qui feront partie de la "Cité de Dieu éternellement.
"La divine Providence permet que des justes soient chassés de la communauté chrétienne. Leur couronne, ils la reçoivent dans le secret. Le cas est rare mais pas sans exemple".
(De vero religione 6-11 cité par Henri MARROU "Saint Augustin" Maîtres Spirituels (Seuil 1955,1983 p 135).

CHRÉTIEN ET ÉVÊQUE
"Pour vous je suis évêque, cela me terrifie
Avec vous je suis chrétien, cela me console"

Augustin souffre de sa charge. Il ne sait que faire. "En punissant le coupable, souvent on le perd, en le laissant impuni, on en perd d'autres".
Plus grave, l'affaire des DONATISTES qui étaient une église chrétienne rigoriste composée en majorité de berbère de la campagne. Ils employaient la violence et même le meurtre contre l'Église catholique. Après une grande rencontre  en 411, Augustin accepte l'emploi de la contrainte de la police même s'il lui arrive d'implorer la clémence (lettre 133, Marrou 139). De nouveau, Augustin est infidèle à l'Évangile qui condamne toute contrainte.
"Et tu me dis qu'on ne doit pas employer la force pour libérer un homme de la perdition". Il détourne même une parole de la parabole en lisant "Force-les à entrer" !!

5° ESCHATOLOGIE AUGUSTINIENNE
Au livre quatre des Confessions, il faut lire la description du désarroi d'Augustin qui n'est pas encore chrétien lors de la mort d'un ami. Un chef d'oeuvre littéraire, une amitié totale, une sincérité absolue. En voici quelques mots : "Jointe au plus pesant ennui de vivre (en l'absence de son ami) la peur de mourir". "Lui que j'avais aimé comme s'il eût dû ne jamais mourir".
En contraste, l'extase d'Ostie, à la 9e partie du 9e livre : "Tendus vers l'avenir, nous cherchions ensemble (Augustin et Monique sa mère) en quoi consiste la vie éternelle..." "Nous l'atteignîmes... le temps d'un soupir... vision qui absorbe le voyant en des profondeurs de joie.... ce bas monde perdait pour nous de sa valeur...".

Cela n'empêche pas qu'Augustin, au moment de fermer les yeux de sa mère avoue "un torrent de tristesse m'inondait le cœur". Il prie pour sa mère : "Je t'implore pour les péchés de ma mère. Exauce-moi au nom du remède à nos blessures qui fut pendu au bois et qui, assis à ta droite, t'interpelle pour nous...".
Dix jours avant sa propre mort, Augustin exige de rester seul. Son exemple nous rappelle que la personne humaine est d'abord autonome, pour pouvoir être vraiment relationnelle.
Cette décision peut nous rappeler une formule d'Augustin : "Orator antequam dictor" : "savoir prier avant d'écrire...".

Il faudrait encore parler du thème développé dans la Cité de Dieu, le sens théologique de l'Histoire mais "la brièveté imposée oblige à aller à l'essentiel" écrit un philosophe français. L'essentiel était pour Augustin le choix que chacun peut faire de préférer Dieu. L'état de la question n'est plus le même qu'à l'époque du Bouddha et d'Aristote. Eux pensaient que l'union à Dieu était impossible. Augustin, et nous avec lui, nous avons appris que "Jésus est le Médiateur".
Augustin excelle à exprimer tout cela, comme le lecteur de cette première initiation pourra le constater en lisant lui-même les textes d'Augustin et surtout les "Confessions".


X. LES PÈRES LATINS APRÈS AUGUSTIN
Une énumération rapide de 10 noms complète cette présentation des Pères de l'Église.

1. PIERRE CHRYSOLOGUE (380-451)
Évêque de Ravenne qui est alors la résidence d'un des empereurs. Une ligne peut suffire pour donner envie d'en lire davantage "Homme pourquoi te méprises-tu alors que tu es si précieux pour Dieu" (31 juillet). Il appuie Léon le Grand, évêque de Rome "en qui le bienheureux Pierre enseigne ceux qui cherchent la vérité de la foi".

2. LÉON LE GRAND (440-461)
 Sa lettre à Flavien, connue sous le nom de "Tome" est acceptée au concile de Constantinople en 451 où les évêques emploient la célèbre formule : "Pierre a parlé par Léon".  Nous avons ici le 5e éléments de la réflexion théologique : le dernier critère : l'autorité de l'évêque de Rome. C'est ce pape également qui  persuada Attila de ne pas détruire la ville de Rome. Vingt-cinq extraits de ses sermons sont proposés dans l'office des lectures.

3. BOÈCE (480-524)
Même si au Moyen-Âge, Boèce a été considéré comme un Père de l'Église, on peut se poser la question de savoir s'il était vraiment ou officiellement chrétien.
Issus de la noblesse romaine, ayant étudié la philosophie à Athènes, il se donne comme mission de traduire des livres grecs en latin. Devenu fonctionnaire des rois barbares de Rome, il est accusé de trahison et condamné. En prison, en attendant la mort, il écrit un livre "la consolation par la Philosophie" où l'on retrouve du stoïcisme  mais pas une seule fois le nom du Christ.
Boèce est connu pour avoir transmis le problème des idées universelles présenté dans l'Exposé préalable (1°C) Il aurait également distingué l'existence de l'essence (Diversum est : esse et id quod est).
(Voir index : épistémologie 1°c le rapport des concepts et de la réalité ainsi que PC chap. 2, épistémologie médiévale ).

4. SAINT BENOÎT DE NURSIE (480-547)
Dans toutes les cultures, dans toutes les religions, c'est dans des personnes individuelles et dans de petits groupes contestataires que les idéaux, les valeurs, les exigences radicales sont revivifiés par une lutte contre l'usure et la dégradation. Comme nous l'avons déjà dit au 3e chapitre dans le paragraphe consacré à la vie monastique, Benoît a joué un rôle primordial dans l'"Histoire de la Pensée" car c'est sa "Règle" qui s'est imposée.

5. COLOMBAN (540-615)
Moine irlandais qui a fondé des monastères en France, en Suisse, en Italie. N'oublions pas le rôle des moines dans la copie des textes antiques de siècle en siècle. Sans eux, pas d'Histoire de la Pensée !

6. CASSIODORE (485-580)
C'est également dans la transmission des textes antiques que s'est illustré ce fonctionnaire d'origine syrienne.

7. GRÉGOIRE LE GRAND (540-604)
Encore un haut fonctionnaire mais devenu moine et pape. Constatant que les Bretons de Grande-Bretagne ne veulent pas convertir les anglo-saxons, ce pape envoie un moine italien AUGUSTIN DE CANTORBÉRY. Ce qui  est important pour l'Histoire de la Pensée, c'est que cet Augustin emporte avec lui toute une bibliothèque de livres qui seront détruits en Europe continentale  dans le contexte de la décadence mais recopiés et ainsi sauvé en Angleterre. De même pour les livres grecs emportés par un moine oriental : Théodore de Cantorbéry !!! ce sont ces textes qui reviendront en Europe  avec Alcuin en 800.

8. ISIDORE DE SÉVILLE (530-636)
Dans cette œuvre de sauvetage des livres anciens, il faut également citer le travail d'Isidore de Séville en Espagne. Il écrit une sorte d'Encyclopédie qui sera utilisé par Bède, Alcuin et ...  nous.

9. BÈDE LE VÉNÉRABLE (673-735)
En quelques lignes nous résumons deux siècles d'Histoire de la Pensée. En 700, les arabes ont envahi le sud de l'Europe, l'Italie est en guerre avec les Lombards, la Gaule est aux mains de la Barbarie franque.
Né en Northumbrie et confié à un monastère  à l'âge de 7ans, Bède passe toute sa vie à étudier, à copier, à enseigner tout ce qui a été transporté en Angleterre et qui ensuite sera transporté en Europe.

10. ALCUIN (730-804)
C'est un clerc anglais qui est appelé par Charlemagne pour diriger l'école d'Aix-la-Chapelle et qui apporte par le fait même toute la culture ancienne pour nourrir la Renaissance carolingienne.
De nouveau, on fonde des écoles en Europe après des siècles de RÉGRESSION :
        - il y a des écoles abbatiales,
        - des écoles cathédrales
        - et des écoles palatine jointes aux palais des princes.
Parmi les élèves d'Alcuin à Tours, il y a RABAN MAUR (780-850) qui transporte la culture en Allemagne et fait de Fulda un centre culturel pour l'Europe ... jusqu'à nos jours.

Mais nous avons choisi la date de 800 comme limite pour ce chapitre quatrième.
Le cinquième chapitre va rapidement couvrir quatre siècle caractérisés par l'isolement de la chrétienté.