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Sommaire
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A partir du 5ème chapitre (qui rassemblait les
philosophes qui avaient traité plutôt de la connaissance (1°), en prouvant d'ailleurs
qu'elle était impossible), nous avons groupé les philosophes selon leur centre
d'intérêt. Nous en arrivons à ceux dont l'influence a été déterminante en
politique ou en économie (4°). Puisqu'il s'agit d'une première initiation.
I. La tension inévitable entre les deux besoins
de liberté et d'égalité sera rappelée. (4°)
II. Puis cinq philosophes seront présentés.
III. C'est le Mahatma Gandhi qui peut le mieux nous apprendre à mettre l'action
politique en relation avec l'éthique (3°) et la prière.
I.
LIBERTÉ OU ÉGALITÉ
LIBÉRALISME OU SOCIALISME
Pour comprendre les événements et les théories politiques et économiques, il
faut avoir observé l'évolution de quelques groupes humains et avoir compris que
jamais, nulle part, la liberté absolue et l'égalité absolue ne peuvent être
maintenues ensemble. Il faut avoir découvert l'origine de cette tension entre
liberté et égalité.
Liberté sans égalité
Si dans une société de rêve, on obtient un jour l'égalité totale en accordant en
même temps une totale liberté, les paresseux, les malhabiles et les malades
auront tellement de dettes à l'égard des travailleurs courageux, habiles et
vigoureux qu'une très grande inégalité va s'instaurer.
On appelle LIBÉRALISME la tendance à favoriser la liberté, l'initiative
individuelle, la concurrence du marché ! Mais, dans la mesure où il y a cette
liberté il y a une très grande inégalité*. C'est cette liberté qui a favorisé les inventions
techniques, les investissements et l'augmentation soudaine de la production dans
quelques pays d'Europe à partir de 1850.
Plusieurs éléments du christianisme, comme la distinction du sacré et du
profane, l'espérance chrétienne d'un avenir, l'ascèse qui avait permis l'épargne
et donc l'investissement, l'estime du travail manuel avaient préparé ce
développement économique. Mais la liberté non seulement des prix des
marchandises mais aussi des salaires proposés à des ouvriers pauvres conduit à
une situation paradoxale. Il y a "surproduction et misère". Les salaires sont
tellement bas que plus personne ne peut acheter ce qui est produit. C'est la
crise !
Égalité sans liberté
Une deuxième antinomie doit être alors découverte. La majorité des membres de la
société réclame davantage d'égalité. Des philosophes proposent un remède radical
: "L'abolition de la propriété privée".
Tous les moyens de production aux mains de la société. C'est le SOCIALISME. Tous
les citoyens sont égaux ! Plus personne n'a rien !! Tous ceux qui possèdent
plusieurs usines ou même une seule s'opposent à cette confiscation. On ne peut
obtenir cette égalité qu'en l'imposant par la force. La liberté a disparu.
Bien sûr, le socialisme a des degrés. Mais dans la mesure où la société, l'État
limite la liberté des prix, en fixant un salaire minimum ou en imposant des
impôts ou en collectivisant la production, celle-ci diminue.
Égoïsme sans bornes
Cette impossibilité d'obtenir dans une même société une très grande liberté et
une très grande égalité s'explique par "l'égoïsme sans borne" que Freud (TPchap.9-II,6) a dévoilé en chaque individu et plus encore en chaque groupe,
classe sociale ou pays.
Cet égoïsme des individus et encore plus des groupes peut être endigué de trois
façons : par des coutumes ancestrales, par la violence légitime ou la contrainte
légale d'un État, ou enfin par la conversion morale.
Nous découvrons ainsi la nécessité d'un État : c'est-à-dire d'un groupe dominant
qui limite la discorde des individus et des groupes par l'emploi de la force
employé dans le cadre des lois (violence légale, contrainte légitime). Et nous
en arrivons à la philosophie politique moderne qui pose une question nouvelle :
comment réagir aux abus de ceux qui ont en mains ce pouvoir de l'État. Ces
quelques rappels élémentaires étant faits, nous pouvons passer en revue les cinq
philosophes politiques les plus importants avant de découvrir avec, le Mahatma
Gandhi, le lien entre éthique et politique. (4°
politique)
II. LES CINQ
PHILOSOPHES IMPORTANTS
1. MONTESQUIEU (1689-1755)
Issu d'une famille de magistrats et ayant beaucoup voyagé, Montesquieu que nous
aurions pu situer avec les encyclopédistes du Siècle des Lumières (TPchap5), nous apprend à observer les mécanismes réels de la société. Ainsi
par exemple cette observation : "Tout homme qui a du pouvoir est tenté d'en
abuser, il va jusqu'où il rencontre une limite". C'est une des premières
découvertes à faire pour comprendre le monde politique réel. Et la
solution est tout aussi importante. "Afin qu'il ne soit pas possible d'abuser
des pouvoirs, l'État doit être organisé de telle sorte qu'un pouvoir puisse
freiner la puissance de l'autre".
Montesquieu ne parle pas de la "séparation" des pouvoirs mais de la "non
confusion" des pouvoirs. Il en distingue trois :
- Celui de faire des lois.
- Celui d'exécuter les résolutions
publiques
- Celui de juger les crimes et les
différents entre particuliers.
Encore une remarque importante : "C'est un très grand hasard si les lois d'un
pays peuvent convenir à un autre ".
La première des cinq révolutions que nous avons énumérées au premier chapitre de
la Troisième Période (TPchap1) s'inspire de
Montesquieu. De nos jours on peut distinguer jusqu'à sept pouvoirs différents.
En plus des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, il y a le pouvoir de la
presse et de médias (qui a de nos jours trop de force), le pouvoir économique
(les patrons et les syndicats), le pouvoirs des autorités morales et
religieuses. Enfin, dans certains pays, c'est un roi ou un président sans
pouvoir exécutif qui reçoit le plus d'honneurs.
2. Adam SMITH (1723-1790)
Le fondateur du libéralisme économique explique dans "la richesse des Nations"
qu'il y a un lieu où l'égoïsme de chaque individu le conduit à servir l'intérêt
général. C'est le marché de la libre concurrence.
Lorsqu'un produit manque ou est insuffisamment offert aux consommateurs par les
producteurs, son prix monte et l'égoïsme des producteurs les encourage à le
produire en grande quantité. Ce qui contribue à faire baisser les prix ! Chacun
cherchant son intérêt est conduit par une "main invisible" à servir les intérêts
des autres.
Le rôle de l'État est alors, d'imposer les conditions pour une concurrence
totalement libre.
Il faut reconnaître qu'en cette fin du XXe siècle, le libéralisme a gagné la
guerre qui l'opposait au socialisme. En tout cas, sur le plan international
puisqu'il n'y a pas d'autorité contraignante, le libéralisme est un fait. (Il a
pris la forme des délocalisations).
3. Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859)
Après un voyage dans ce pays, Tocqueville décrit "La démocratie en Amérique" et
montre l'irrésistible progrès de l'idée de l'égalité des hommes devant les
lois. Il est connu comme le grand défenseur du libéralisme politique. Mais il
faudrait le lire pour découvrir les limites de la démocratie. Contre les
pressions de l'opinion générale, les vertiges matérialistes, seules des
convictions MORALES ET RELIGIEUSES peuvent nous prémunir. Ainsi pour la liberté
de la presse, il l'admire plus pour le mal qu'elle empêche que pour le bien
qu'elle permet.
4. Karl MARX (1818-1883)
? ou Marxisme-Léninisme ? ou Marxiste-Léniniste ?
Le livre du Père Calvez "La pensée de Karl Marx" (Seuil 1956) permettra au
lecteur qui le désire de suivre l'évolution intellectuelle de Karl Marx
lui-même.
Pour une "Histoire de la Pensée", ce qui est le plus important c'est de prendre
conscience que ce système comportait des éléments philosophiques, économiques et
politiques. On l'appelait le "Marxisme-Léninisme" ou encore le "Diamat",
"matérialisme dialectique". Plus important encore, essayer de comprendre comment
"fonctionnaient" mentalement les centaines de millions de marxistes léninistes
en les rencontrant souvent et directement.
Ayant fait cette enquête très souvent, je me suis aperçu que les concepts
philosophiques qui étaient développés par les professeurs de philosophie
n'avaient aucune place dans la vie des marxistes-léninistes concrets. Toute leur
pensée, toute leur vie personnelle, familiale ou sociale, avaient une seule
valeur absolue "Le Parti".
Tous les grands spécialistes de la "Pensée de Marx" qui participaient à des
colloques avec des autorités des Partis communistes n'ont semble-t-il
jamais pris conscience de leur utilité au service du "Parti". S'ils avaient lu
LÉNINE au lieu de MARX ils auraient rencontré l'expression "d'IDIOTS UTILES" par
laquelle LÉNINE désignait les chrétiens collaborateurs. Faut-il, au moins
rapidement, résumer les réponses de ce "système" à nos cinq questions ?
1°Épistémologie marxiste
Une théorie appelée par ENGELS "matérialisme historique" était une
théorie sur "l'histoire matérielle de nos idées" qui ne sont que des
conséquences de l'évolution économique (Épistémologie
-1.a
Origine des idées). A cela s'ajoutait une théorie de Mao diffusée dans une
brochure simpliste : "De la pratique"; c'est la pratique révolutionnaire (qui
vous permet de conquérir le pouvoir) qui vérifie et modifie les théories !
2° Ontologie marxiste
"Je hais tous les dieux" avait écrit MARX dans sa thèse de doctorat. Dans sa
correspondance avec Engels il se vante d'avoir réussi à calomnier les chrétiens
dans un journal anglais. Quand aux partis communistes, ils sollicitaient la
collaboration des chrétiens pour conquérir le pouvoir et les persécutaient (dans
la mesure du possible après la prise de pouvoir).
3° Éthique marxiste
"Notre morale est entièrement subordonnée aux intérêts de la lutte" pour le
pouvoir déclarait clairement Lénine le 2 octobre 1920. "Le communisme aura soin
du Parti plus que de lui même" enseignait Mao dans le petit livre rouge qui eut
son heure de gloire. Telle était la morale marxiste-léniniste : le PARTI
est la valeur absolue, toutes les autres valeurs lui sont relatives.
4° Politique marxiste
Le Manifeste de 1848 : "Les communistes peuvent résumer leur théorie en cette
formule unique : ABOLITION DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE". Un résumé de cinq mots et
une expérience de 73 ans, qui a prouvé que l'ABOLITION DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE
est une catastrophe au point de vue économique.
5° Eschatologie marxiste
La mort individuelle ne pose aucun problème dit MARX dans les deux lignes qu'il
y a consacré "car l'individu n'est qu'un être générique, comme tel mortel".
Traduction en français facile : le militant est zéro, le Parti est
l'infini, comme l'avait compris KŒSTLER dans "Le zéro et l'infini".
En France on peut remplir toute une bibliothèque avec les livres où les grands
universitaires, spécialistes de diverses sciences, font leur confession et
essaient eux-mêmes de comprendre comment ils ont pu être aveuglés si longtemps
par le marxisme-léninisme. Peut-on espérer que ceux qui ont vu cette folie
collective en tirent la conclusion qu'il ne faut pas suivre l'opinion générale ?
Même si "tout le monde" considère l'économie comme l'élément le plus important
du bonheur, même si "tout le monde" perd du temps devant la télévision, ce n'est
jamais un motif suffisant pour en faire autant. Je ne deviens vraiment une personne humaine que
si je suis capable de choisir ce que je crois être mon vrai bonheur, même si la
majorité de ceux qui m'entourent font un choix différent.
5. KEYNES (1883-1946)
Celui que certains appellent le plus grand philosophe de la science économique
explique que les deux idéologies : le libéralisme sauvage et le socialisme
marxiste sont impraticable. Certes l'État doit intervenir le moins possible mais
il doit contrôler l'économie. Depuis 1990 les mécanismes économiques mondiaux
sont devenus plus complexes avec la disparition de la séparation des deux Monde
"Ouest-Est". La crise qui s'est amorcée avec les "délocalisations" de la
production qui se déplace vers les salaires les moins élevés sera tellement
profonde qu'elle rendra inévitable une réflexion éthique. C'est sur ce point que
le message du Mahatma Gandhi trouvera une nouvelle actualité.
III. MAHATMA GANDHI
Après ses études de droit à Londres cet
avocat indien trouve du travail en Afrique du Sud. Il y organise la résistance
contre le racisme des blancs. Puis il retourne dans son pays où, pendant des
dizaines d'années, il lutte contre le colonialisme anglais et obtient
l'indépendance de l'Inde en 1947. Il est assassiné en 1948.
Des biographies similaires existent sans doute pour d'autres militants du
Tiers-Monde. Ce qui est particulier pour Mahatma Gandhi et ce qui nous fait
penser qu'il est le plus grand homme de notre siècle, c'est qu'il met au point
une méthode de lutte politique inspirée non par la haine des ennemis mais par
l'amour des ennemis qu'il a découvert dans le "Sermon
sur la montagne" de Jésus (Mat. 5-7)
Plus profondément, son action politique jaillit d'une vie morale et religieuse.
Elle le conduit à lutter non seulement pour défendre ses droits, mais aussi les
droits des castes rejetées dont nous avons parlé (PPchap2-5
Hindouisme)
Les Européens et les privilégiés de tous les pays pourraient également apprendre
de lui à diminuer sans cesse leurs besoins matériels au lieu de les multiplier
sans fin, ce qui les fait souffrir.
"EXPÉRIENCES DE VÉRITÉ" l'autobiographie de
GANDHI (Puf 1951) a été le premier livre important de ma vie. C'est ce livre qui
m'a donné le goût de la vraie philosophie; la recherche de vérité, du bonheur,
de Dieu !
En 1972 dans "Lumière" et ensuite dans
"l'introduction à la Philosophie politique"* , j'ai
résumé les convictions et les dix étapes de la lutte non violente et les succès
de cette lutte avec Gandhi, Marin Luther King et Walesa !
Le film "Gandhi" de Richard Attenborough avec Ben Kingsley peut donner une
première idée de l'importance de Gandhi.
Mais il faut lire les textes qu'il a écrit pour découvrir que son action
politique a sa véritable source dans sa recherche morale de la vérité, dans sa
vie de prière. "Mes expériences dans le domaine spirituel, je suis seul à les
connaître et c'est d'elles que je détiens la mesure de l'influence dont je
dispose dans le domaine politique".
"Remettre la politique et l'économie à leur
place" tel est le titre de ce dixième chapitre. Gandhi a eu une action politique
énorme mais elle était un des fruits de sa vie spirituelle. Lire son
autobiographie et ses autres livres peuvent nous aider à en faire autant.
suite
TP chap. 11
* ("introduction à la philosophie
politique" Fofipa)
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