TP
Chap 10


Remettre la Politique et l'Économie à leur place
SMITH, MARX, Mahatma GANDHI
 

 

 

Sommaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

sommaire

 

A partir du 5ème chapitre (qui rassemblait les philosophes qui avaient traité plutôt de la connaissance (), en prouvant d'ailleurs qu'elle était impossible), nous avons groupé les philosophes selon leur centre d'intérêt. Nous en arrivons à ceux dont l'influence a été déterminante en politique  ou en économie (). Puisqu'il s'agit d'une première initiation.

I. La tension inévitable entre les deux besoins de liberté et d'égalité sera rappelée. ()
II. Puis cinq philosophes seront présentés.
III. C'est le Mahatma Gandhi qui peut le mieux nous apprendre à mettre l'action politique en relation avec l'éthique () et la prière.
 

I.           LIBERTÉ OU ÉGALITÉ
   LIBÉRALISME OU SOCIALISME

Pour comprendre les événements et les théories politiques et économiques, il faut avoir observé l'évolution de quelques groupes humains et avoir compris que jamais, nulle part, la liberté absolue et l'égalité absolue ne peuvent être maintenues ensemble. Il faut avoir découvert l'origine de cette tension entre liberté et égalité.

Liberté sans égalité
Si dans une société de rêve, on obtient un jour l'égalité totale en accordant en même temps une totale liberté, les paresseux, les malhabiles et les malades auront tellement de dettes à l'égard des travailleurs courageux, habiles et vigoureux qu'une très grande inégalité va s'instaurer.
On appelle LIBÉRALISME la tendance à favoriser la liberté, l'initiative individuelle, la concurrence du marché ! Mais, dans la mesure où il y a cette liberté il y a une très grande inégalité*. C'est cette liberté qui a favorisé les inventions techniques, les investissements et l'augmentation soudaine de la production dans quelques pays d'Europe à partir de 1850.
Plusieurs éléments du christianisme, comme la distinction du sacré et du profane, l'espérance chrétienne d'un avenir, l'ascèse qui avait permis l'épargne et donc l'investissement, l'estime du travail manuel avaient préparé ce développement économique. Mais la liberté non seulement des prix des marchandises mais aussi des salaires proposés à des ouvriers pauvres conduit à une situation paradoxale. Il y a "surproduction et misère". Les salaires sont tellement bas que plus personne ne peut acheter ce qui est produit. C'est la crise !
Égalité sans liberté
Une deuxième antinomie doit être alors découverte. La majorité des membres de la société réclame davantage d'égalité. Des philosophes proposent un remède radical : "L'abolition de la propriété privée".
Tous les moyens de production aux mains de la société. C'est le SOCIALISME. Tous les citoyens sont égaux ! Plus personne n'a rien !! Tous ceux qui possèdent  plusieurs usines ou même une seule s'opposent à cette confiscation. On ne peut obtenir cette égalité qu'en l'imposant par la force. La liberté a disparu.
Bien sûr, le socialisme a des degrés. Mais dans la mesure où la société, l'État limite la liberté des prix, en fixant un salaire minimum ou en imposant des impôts ou en collectivisant la production, celle-ci diminue.
Égoïsme sans bornes
Cette impossibilité d'obtenir dans une même société une très grande liberté et une très grande égalité s'explique par "l'égoïsme sans borne" que Freud (TPchap.9-II,6) a dévoilé en chaque individu et plus encore en chaque groupe, classe sociale ou pays.
Cet égoïsme des individus et encore plus des groupes peut être endigué de trois façons : par des coutumes ancestrales, par la violence légitime ou la contrainte légale d'un État, ou enfin par la conversion morale.
Nous découvrons ainsi la nécessité d'un État : c'est-à-dire d'un groupe dominant qui limite la discorde des individus et des groupes par l'emploi de la force employé dans le cadre des lois (violence légale, contrainte légitime). Et nous en arrivons à la philosophie politique moderne qui pose une question nouvelle : comment  réagir aux abus de ceux qui ont en mains ce pouvoir de l'État. Ces quelques rappels élémentaires étant faits, nous pouvons passer en revue les cinq philosophes politiques les plus importants avant de découvrir avec, le Mahatma Gandhi, le lien entre éthique et politique. (4° politique)

II. LES CINQ PHILOSOPHES IMPORTANTS

1. MONTESQUIEU (1689-1755)
Issu d'une famille de magistrats et ayant beaucoup voyagé, Montesquieu que nous aurions pu situer avec les encyclopédistes du Siècle des Lumières (TPchap5), nous apprend à observer les mécanismes réels de la société. Ainsi par exemple cette observation : "Tout homme qui a du pouvoir est tenté d'en abuser, il va jusqu'où il rencontre une limite". C'est une des premières découvertes à faire pour comprendre le monde politique réel. Et la solution est tout aussi importante. "Afin qu'il ne soit pas possible d'abuser des pouvoirs, l'État doit être organisé de telle sorte qu'un pouvoir puisse freiner la puissance de l'autre".
Montesquieu ne parle pas de la "séparation" des pouvoirs mais de la "non confusion" des pouvoirs. Il en distingue trois :
        - Celui de faire des lois.
        - Celui d'exécuter les résolutions publiques
        - Celui de juger les crimes et les différents entre  particuliers.
Encore une remarque importante : "C'est un très grand hasard si les lois d'un pays peuvent convenir à un autre ".
La première des cinq révolutions que nous avons énumérées au premier chapitre de la Troisième Période (TPchap1) s'inspire de Montesquieu. De nos jours on peut distinguer jusqu'à sept pouvoirs différents.
En plus des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, il y a le pouvoir de la presse et de médias (qui a de nos jours trop de force), le pouvoir économique (les patrons et les syndicats), le pouvoirs des autorités morales et religieuses. Enfin, dans certains pays, c'est un roi ou un président sans pouvoir exécutif qui reçoit le plus d'honneurs.

2. Adam SMITH (1723-1790)
Le fondateur du libéralisme économique explique dans "la richesse des Nations" qu'il y a un lieu où l'égoïsme de chaque individu le conduit à servir l'intérêt général. C'est le marché de la libre concurrence.
Lorsqu'un produit manque ou est insuffisamment offert aux consommateurs par les producteurs, son prix monte et l'égoïsme des producteurs les encourage à le produire en grande quantité. Ce qui contribue à faire baisser les prix ! Chacun cherchant son intérêt est conduit par une "main invisible" à servir les intérêts des autres.
Le rôle de l'État est alors, d'imposer les conditions pour une concurrence totalement libre.
Il faut reconnaître qu'en cette fin du XXe siècle, le libéralisme a gagné la guerre qui l'opposait au socialisme. En tout cas, sur le plan international puisqu'il n'y a pas d'autorité contraignante, le libéralisme est un fait. (Il a pris la forme des délocalisations).

3. Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859)
Après un voyage dans ce pays, Tocqueville décrit "La démocratie en Amérique" et montre  l'irrésistible progrès de l'idée de l'égalité des hommes devant les lois. Il est connu comme le grand défenseur du libéralisme politique. Mais il faudrait le lire pour découvrir les limites de la démocratie. Contre les pressions de l'opinion générale, les vertiges matérialistes, seules des convictions MORALES ET RELIGIEUSES peuvent nous prémunir. Ainsi pour la liberté de la presse, il l'admire plus pour le mal qu'elle empêche que pour le bien qu'elle permet.

4. Karl MARX (1818-1883) ? ou Marxisme-Léninisme ? ou Marxiste-Léniniste ?
Le livre du Père Calvez "La pensée de Karl Marx" (Seuil 1956) permettra au lecteur qui le désire de suivre l'évolution intellectuelle de Karl Marx lui-même.
Pour une "Histoire de la Pensée", ce qui est le plus important c'est de prendre conscience que ce système comportait des éléments philosophiques, économiques et politiques. On l'appelait le "Marxisme-Léninisme" ou encore le "Diamat", "matérialisme dialectique". Plus important encore, essayer de comprendre comment "fonctionnaient" mentalement les centaines de millions de marxistes léninistes en les rencontrant souvent et directement.
Ayant fait cette enquête très souvent, je me suis aperçu que les concepts philosophiques qui étaient développés par les professeurs de philosophie n'avaient aucune place dans la vie des marxistes-léninistes concrets. Toute leur pensée, toute leur vie personnelle, familiale ou sociale, avaient une seule valeur absolue "Le Parti".
Tous les grands spécialistes de la "Pensée de Marx" qui participaient à des colloques avec des autorités des Partis communistes  n'ont semble-t-il jamais pris conscience de leur utilité au service du "Parti". S'ils avaient lu LÉNINE au lieu de MARX ils auraient rencontré l'expression "d'IDIOTS UTILES" par laquelle LÉNINE désignait les chrétiens collaborateurs. Faut-il, au moins rapidement, résumer les réponses de ce "système" à nos cinq questions ?
1°Épistémologie marxiste
Une théorie appelée par ENGELS "matérialisme historique" était une théorie sur "l'histoire matérielle de nos idées" qui ne sont que des conséquences de l'évolution économique (
Épistémologie -1.a Origine des idées). A cela s'ajoutait une théorie de Mao diffusée dans une brochure simpliste : "De la pratique"; c'est la pratique révolutionnaire (qui vous permet de conquérir le pouvoir) qui vérifie et modifie les théories !
2° Ontologie marxiste
"Je hais tous les dieux" avait écrit MARX dans sa thèse de doctorat. Dans sa correspondance avec Engels il se vante d'avoir réussi à calomnier les chrétiens dans un journal anglais. Quand aux partis communistes, ils sollicitaient la collaboration des chrétiens pour conquérir le pouvoir et les persécutaient (dans la mesure du possible après la prise de pouvoir).
3° Éthique marxiste
"Notre morale est entièrement subordonnée aux intérêts de la lutte" pour le pouvoir déclarait clairement Lénine le 2 octobre 1920. "Le communisme aura soin du Parti plus que de lui même" enseignait Mao dans le petit livre rouge qui eut son heure de gloire.  Telle était la morale marxiste-léniniste : le PARTI  est la valeur absolue, toutes les autres valeurs lui sont relatives.
4° Politique marxiste
Le Manifeste de 1848 : "Les communistes peuvent résumer leur théorie en cette formule unique : ABOLITION DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE". Un résumé de cinq mots et une expérience de 73 ans, qui a prouvé que l'ABOLITION DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE est une catastrophe au point de vue économique.
5° Eschatologie marxiste
La mort individuelle ne pose aucun problème dit MARX dans les deux lignes qu'il y a consacré "car l'individu n'est qu'un être générique, comme tel mortel". Traduction en français facile :  le militant est zéro, le Parti est l'infini, comme l'avait compris KŒSTLER dans "Le zéro et l'infini".
En France on peut remplir toute une bibliothèque avec les livres où les grands universitaires, spécialistes de diverses sciences, font leur confession et essaient eux-mêmes de comprendre comment ils ont pu être aveuglés si longtemps par le marxisme-léninisme. Peut-on espérer que ceux qui ont vu cette folie collective en tirent la conclusion qu'il ne faut pas suivre l'opinion générale ? Même si "tout le monde" considère l'économie comme l'élément le plus important du bonheur, même si "tout le monde" perd du temps devant la télévision, ce n'est jamais un motif suffisant pour en faire autant. Je ne deviens vraiment une personne humaine que si je suis capable de choisir ce que je crois être mon vrai bonheur, même si la majorité de ceux qui m'entourent font un choix différent.

5. KEYNES (1883-1946)
Celui que certains appellent le plus grand philosophe de la science économique explique que les deux idéologies : le libéralisme sauvage et le socialisme marxiste sont impraticable. Certes l'État doit intervenir le moins possible mais il doit contrôler l'économie. Depuis 1990 les mécanismes économiques mondiaux sont devenus plus complexes avec la disparition de la séparation des deux Monde "Ouest-Est". La crise qui s'est amorcée avec les "délocalisations" de la production qui se déplace vers les salaires les moins élevés sera tellement profonde qu'elle rendra inévitable une réflexion éthique. C'est sur ce point que le message du Mahatma Gandhi trouvera une nouvelle actualité.


III. MAHATMA GANDHI
Après ses études de droit à Londres cet avocat indien trouve du travail en Afrique du Sud. Il y organise la résistance contre le racisme des blancs. Puis il retourne dans son pays où, pendant des dizaines d'années, il lutte contre le colonialisme anglais et obtient l'indépendance de l'Inde en 1947. Il est assassiné en 1948.
Des biographies similaires existent sans doute pour d'autres militants du Tiers-Monde. Ce qui est particulier pour Mahatma Gandhi et ce qui nous fait penser qu'il est le plus grand homme de notre siècle, c'est qu'il met au point une méthode de lutte politique inspirée non par la haine des ennemis mais par l'amour des ennemis qu'il a découvert dans le "Sermon sur la montagne" de Jésus (Mat. 5-7)
Plus profondément, son action politique jaillit d'une vie morale et religieuse. Elle le conduit à lutter non seulement pour défendre ses droits, mais aussi les droits des castes rejetées dont nous avons parlé (PPchap2-5 Hindouisme)
Les Européens et les privilégiés de tous les pays pourraient également apprendre de lui à diminuer sans cesse leurs besoins matériels au lieu de les multiplier sans fin, ce qui les fait souffrir.

"EXPÉRIENCES DE VÉRITÉ" l'autobiographie de GANDHI (Puf 1951) a été le premier livre important de ma vie. C'est ce livre qui m'a donné le goût de la vraie philosophie; la recherche de vérité, du bonheur, de Dieu !
En 1972 dans "Lumière" et ensuite dans "l'introduction à la Philosophie politique"* , j'ai résumé les convictions et les dix étapes de la lutte non violente et les succès de cette lutte avec Gandhi, Marin Luther King et Walesa !
Le film "Gandhi" de Richard Attenborough avec Ben Kingsley peut donner une première idée de l'importance de Gandhi.
Mais il faut lire les textes qu'il a écrit pour découvrir que son action politique a sa véritable source dans sa recherche morale de la vérité, dans sa vie de prière. "Mes expériences dans le domaine spirituel, je suis seul à les connaître et c'est d'elles que je détiens la mesure de l'influence dont je dispose dans le domaine politique".

"Remettre la politique et l'économie à leur place" tel est le titre de ce dixième chapitre. Gandhi a eu une action politique énorme mais elle était un des fruits de sa vie spirituelle. Lire son autobiographie et ses autres livres peuvent nous aider à en faire autant.

suite TP chap. 11

* ("introduction à la philosophie politique" Fofipa)