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Même si tout au long des quatre siècles de la
3e période de
"l'Histoire de la Pensée", il y a plusieurs grands philosophes qui montrent que
la Révélation évangélique seule peut expliquer l'homme réel et le combler, la
plupart de ceux que nous avons énumérés refusent les dimensions surnaturelles de
l'homme et le "réduisent" à l'un ou l'autre aspect naturel.
Dans ce 9e chapitre nous avons groupé dix auteurs qui opèrent une
"réduction" encore plus étroite. D'après eux, il n'y a rien de valable ni en
théologie, ni en philosophie. Ne subsiste que la "science". C'est le
"scientisme" dont une forme récente est le structuralisme".
Après avoir proposé
I. Quelques définitions, il y aura
II. une énumération de noms plus ou moins célèbres et ensuite
III. face à cette réduction trois contestataires : Bergson, Teilhard, Fourastié.
I. DÉFINITIONS
1. La science (voir
Epistémologie 1 E°distinguer les trois domaines et
PC chap.7II
Copernic)
Dans la "Nouvelle Introduction à la Philosophie" (Fofipa), j'ai exposé
les sept significations données au mot "science". Ici, je ne rappelle que la
définition qui permet une délimitation très claire de son domaine avec le
domaine de la Philosophie.
"La science" est l'examen des questions concernant les êtres qui ne font pas de
choix libres (les minéraux, les animaux, les hommes dans certains domaines
étudiés par la médecine, la psychologie, la sociologie).
- Cet examen se fait par le moyen de preuves purement rationnelles sans le
recours à aucune autorité.
- Les résultats sont exprimés le plus souvent en termes mathématiques".
Cette définition est "réciproque" en relation avec une définition de la
Philosophie comme "examen des questions concernant les choix libres que chaque
homme fait inévitablement dans sa recherche du bonheur". (Voir
Exposé préalable
II. les diverses significations du mot philosophie)
2. Les scientismes
On désigne ainsi un ensemble de théories très diverses qui ont en commun de
prétendre que l'homme ne fait jamais de choix libre mais qu'il est entièrement
déterminé par des "STRUCTURES"
Chaque tendance structuraliste prétend déceler ce qui "en dernière instance"
commande les réflexes humains. Ce sont les structures sociales, inconscientes,
économiques, culturelles...
D'après les structuralistes l'homme peut donc être étudié intégralement par les
sciences comme les minéraux et les animaux. Si ces messieurs étaient persuadés
que nous sommes déterminés perdraient-ils du temps à nous donner des arguments
pour nous faire changer d'avis ?
Tout homme qui parle et écrit pour un autre est persuadé que l'autre est libre
dans une certaine mesure.
II. UNE
ÉNUMÉRATION
Une "Histoire de la Pensée" dont le sous-titre
est "Croyances, philosophies, théologies" ne doit pas perdre beaucoup de temps
avec ceux qui prétendent qu'il n'y a rien de valable dans ces Croyances,
philosophies, théologies. Une énumération rapide suffira.
1. BUFFON (1707-1788)
Son "Histoire Naturelle" nous décrit les "essais de la nature" qui apprend à
faire l'homme (?)
2. CONDORCET (1743-1794)
Participe à l'Encyclopédie dont nous avons parlé (voir
TPchap5-I-3). Dans son "Esquisse d'un tableau historique des progrès
humains", il nous annonce que "ces progrès sont indépendants de toute puissance
qui voudrait les arrêter.
3. LAMARCK (1744-1824)
Apporte une nouvelle pièce à l'idéologie scientiste : le transformisme, la
variabilité des êtres vivants et la transmission héréditaire des caractères
acquis.
4. Auguste COMTE (1798-1857)
Distingue trois périodes dans l'histoire de la connaissance humaines, trois
"états".
- La période "théologique" où les
hommes ont expliqué les phénomènes par l'action des esprits et des dieux.
- La période "métaphysique" où ils
ont voulu tout expliquer par les causes et les substances.
- La période "positive" qui enfin se
contente de constater des relations. C'est l'âge de la Science.
On peut encore trouver des professeurs qui gardent cette vision sans comprendre
que théologie, philosophie et science ne se succèdent pas mais traitent de trois
niveaux de réalité comme l'a expliqué
PASCAL.
Au point de vue de l'éthique, Auguste Comte fait preuve de la même naïveté que
dans sa vision de l'histoire.
Il nous encourage à "vivre pour l'Humanité" sans même s'apercevoir que tout
homme cherche son propre bonheur même s'il va se pendre" (ce qu'un illettré
aurait pu lui expliquer). Faut-il parler de sa "Sociologie", de sa physique
sociale, de l'anatomie des faits sociaux, qui occupe tant d'universitaires, de
la religion qu'il a fondé et du bonheur qu'il promet au delà de la mort "le
souvenir des grands hommes dans les siècles à venir ?"
5. Charles DARWIN (1809-1882)
"De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle " propose
une explication de l'apparition des espèces vivantes y compris l'homme. Cette
explication vraie d'après certains savants, fausse d'après d'autres, ne change
rien à la question centrale de la philosophie : "Que vais-je faire pour devenir
vraiment heureux ?". De plus, il suffit d'étudier un peu la génétique moderne
pour constater que les certitudes scientifiques ne sont jamais que des
hypothèses.
6. Sigmund FREUD (1856-1939)
Les thèses de ce médecin autrichien sont un peu plus intéressantes car elles
nous font prendre conscience que notre liberté est limitée. Mais il faut
distinguer : constatations scientifiques et choix philosophique. (voir
3°Éthique
3/ Le conflit des besoins)
Constatations scientifiques
certains comportements psychologiques anormaux peuvent s'expliquer par le fait
que des tendances interviennent dans la vie d'un homme sans qu'il en soit
conscient.
Ces tendances ont été refoulées, disons plutôt qu'elles sont méconnues et elles
interviennent d'une manière déguisée et déformée. Ce conflit entre les tendances
acceptées et les tendances refoulées, méconnues ou inconscientes peut devenir
pathogène. Le remède consiste le plus souvent à faire remonter à la conscience
ces tendances méconnues grâce à une écoute et une réflexion sur les actes
manqués, les lapsus, les rêves plus ou moins éveillés.
Certains psychologues reprochent à cette méthode d'entraîner le plus souvent les
patients à rejeter toutes les responsabilités sur le passé et sur les autres.
Revenons à Freud dont "L'introduction à la Psychanalyse" (Payot 66) peut
permettre un premier contact avec toutes ces théories. Freud y défend la thèse
selon laquelle tous "ces désirs censurés et qui reçoivent dans le rêve une
expression déformée sont avant tout des manifestations d'un ÉGOÏSME SANS
BORNES".
Cette constatation pourrait au moins guérir tous les naïfs qui sont encore
séduits par toutes les morales du Devoir, du Dévouement pour l'humanité, du
Désintéressement pur etc.
Mais Aristote, Augustin et Pascal nous avaient déjà persuadés de cette
"universelle recherche du vrai bonheur" dont j'ai fait un sous-titre pour la
Première Période.
Que Freud et Jung (1875-1961) qui décrit un "inconscient collectif" puissent
nous aider à prendre conscience de l'influence de l'inconscient, cela est
indiscutable.
Choix philosophiques
Mais la philosophie et spécialement l'éthique commence au-delà de ces
constatations. Et j'ai choisi de ne pas me satisfaire de l'abandon à quelques
instincts élémentaires car ma soif d'absolu a été comblée par la Révélation
évangélique. Et même pour les non chrétiens, la maîtrise bouddhiste me paraît
préférable à la multiplication des besoins ou à l'abandon aux instincts.
7. Émile DURKHEIM (1858-1917)
La liste des réductions s'allonge. C'est la société qui est infaillible (1°), existe vraiment
(2°), et dit ce qui est bien (3°).
- En politique (4°) le nombre des suicides dit que la société est malade et qu'il faut la
guérir. La question qui se pose n'est plus "Que vais-je choisir pour devenir
vraiment heureux ?", mais, comment la société qui m'entoure va-t-elle me
"normaliser" ? Nous sommes arrivés au contraire de la philosophie !
8. Ferdinand de SAUSSURE (1857-1913)
Ce linguiste suisse est considéré comme le père du "structuralisme". La
phonologie, la science des sons prétend montrer que les sons dans toutes les
langues comme les atomes en physique, s'associent selon des lois qui sont
indépendantes des individus qui parlent sans en être conscients. A partir de
cette constatation on prétend que non seulement les sons mais les convictions et
les comportements sont déterminés par des lois semblables.
Chaque enfant "pense un univers que sa langue maternelle a déjà modelé". Ce que
semblent oublier les structuralistes c'est que chaque personne opère de
nouvelles connexions et dit du neuf avec des matériaux empruntés avec un
vocabulaire dont il modifie le sens.
9. Jacques LACAN (1901-1981)
Se situe dans ce courant structuraliste mais d'après lui ce sont les structures
de l'inconscient qui sont déterminantes "en dernière instance".
10. Claude LEVI STRAUSS (1908-
)
Est ethnologue et donc insiste sur les cultures ethniques. retenons de lui cette
curieuse intention : "Le but des sciences humaines n'est pas de constituer
l'homme mais de le dissoudre". Mais vouloir persuader l'homme qu'il est
déterminé suppose qu'on le croit capable de croire... ou de ne pas croire... en
ce déterminisme... (?)
11. Michel FOUCAULT (1926-1984)
Va encore plus loin. Il prétend dater la naissance de l'idée d'homme et son
prochain décès ! "L'homme est une invention dont l'archéologie de notre pensée
montre aisément la date récente et peut-être la fin prochaine ". Des textes de
tous les siècles et de toutes les cultures montrent que, pour ce qui le constitue,
l'homme est partout le même, capable du meilleur et du pire et que ce mépris de
l'homme ancien n'a aucun fondement.
Jean-Paul Sartre qui s'oppose le
plus aux structuralistes en exaltant la liberté à raison sur ce point : "Peu
importe ce que mon passé à fait de moi. Ce qui importe c'est de savoir ce que je
vais en faire". (voir
TPchap11 les existentialismes)
III. LE SCIENTISME
CONTESTÉ
Comme toutes les réductions naturalistes que
nous avons passées en revue dans les chapitres précédents, la "réduction
scientiste" a été contestée par de nombreux philosophes et savants. Trois noms
méritent surtout d'être présentés mais ils ne sont pas seuls !
1. Henri BERGSON (1859-1941)
La sincérité et l'honnêteté de ce philosophe l'ont conduit à dépasser
l'empirisme et l'évolutionnisme. Ses cours célèbres, exprimés dans une très belle
langue française ont contribué à libérer de nombreux contemporains de
l'idéologie dominante de cette époque en dévoilant l'insuffisance de plusieurs
concepts étroitement rationalistes et scientistes.
1° Épistémologie Bergsonienne
A partir de deux notions différentes du temps, il disqualifie la spéculation et
exalte l'intuition. Le "temps" est un concept très insuffisant car il est
métissé d'espace. On le mesure en fonction du mouvement des astres. La "durée"
intérieure de chacun suit un autre rythme et elle est plus importante, plus
réelle pour moi.
Je la saisis grâce à "l'intuition" qui est sympathie avec l'autre pour coïncider
avec ce qu'il a d'unique et qui ne peut être exprimé même par des milliers de
concepts qui, étant universels sont donc inadéquats. La connaissance spéculative
décompose en prenant une série de vues immobiles selon un mécanisme
cinématographique qui peut être efficace en Science des objets déterminés mais
ne peut comprendre la vie vécue et encore moins une personne individuelle.
2° Anthropologie Bergsonienne
En laissant de côté les vues de Bergson sur le monde (qui serait "liberté" grâce
à un "élan vital") qui semblent être un prolongement des rêveries de Lamarck et
de Darwin, écoutons Bergson nous faire comprendre que c'est le "Moi" tout entier
qui change avec chacun de ses états. Un acte est d'autant plus libre qu'il émane
de la personnalité la plus profonde. La liberté est un fait évident.
3° Éthique Bergsonienne
Bergson distingue les morales closes, statiques, imposées par des collectivités
sous forme de coutumes et les morales ouvertes, proposées par des personnalités
qui appellent à l'invention d'un progrès incessant. Il étudie surtout les
mystiques de l'Inde, Plotin et les mystiques chrétiens que nous avons rencontrés
surtout durant la deuxième période (PCChap7-7)
S'approchant de plus en plus près du catholicisme, il renonce à être baptisé
pour ne pas apparaître comme abandonnant le peuple juif dont il faisait partie
au moment ou se développait la persécution nazie.
2. Pierre TEILHARD DE
CHARDIN (1881-1955)
Deuxième exemple de contestation du scientisme, l'oeuvre d'un géologue jésuite
qui, dès sa jeunesse et jusqu'à sa mort, poursuit une double recherche
scientifique et spirituelle. Il faut lire au moins, "Le phénomène humain" où (à
la page 328) un aveu dévoile la source de sa vision grandiose de l'Histoire
universelle.
"L'opération biologique de l'Incarnation me semble si bien dépeindre l'action
d'Oméga que jamais sans doute je n'aurais osé envisager et formuler
rationnellement l'hypothèse de celui-ci, si, dans ma conscience de croyant, je
n'en avais trouvé, non seulement le modèle spéculatif mais la réalité vivante".
Ce texte dévoile la véritable origine d'une hypothèse qui a parfois été
présentée comme purement expérimentale. Un progrès semble pouvoir être constaté
de la géogénèse à la biogénèse puis à la psychogénèse et à la noogénèse
avec complexification et conscientification progressives. En extrapolant, on
peut postuler un point oméga qui (ensuite) apparaît être le Christ !
Comme chez Blondel la matière est présentée comme vitalisable, la vie comme
spiritualisable, l'esprit divinisable.
Les deux auteurs ont été poursuivis par les mêmes critiques tant du côté des
scientistes que du côté des théologiens qui tiennent à séparer nature et
surnature et non seulement à les distinguer. A ces deux penseurs chrétiens, on
aimerait poser la question : A quel moment de leur démarche la Révélation
évangélique intervient-elle ? Quel est pour eux le critère du vrai ?
3. Jean FOURASTIÉ (1907-1992)
Un troisième exemple d'un savant qui conteste scientifiquement le scientisme
c'est Jean Fourastié dont les découvertes dans de nombreux domaines ont été
présentées dans un ouvrage collectif publié par Dalloz : "Jean Fourastié :
quarante ans de recherche". Dans une témoignage publié par Grasset dans la
collection "Ce que je crois", Jean Fourastié montre que pour que les personnes
aient le goût de vivre, pour que les société gardent un minimum de valeurs
collectives, elles doivent CROIRE à un "SURRÉEL" méta rationnel. Lorsque cette
croyance collective se dissout, la morale peut subsister pour une ou deux
générations mais à terme, cette société est condamnée et se dissout. Est-ce le
cas de l'Europe ?
Je garde une grande reconnaissance envers les membres de sa famille qui ont
permis une rencontre avec cet homme déjà très âgé et avec qui j'avais sympathisé par correspondance. "J'ai voulu détruire les préjugés de tant de
savants envers toute révélation" m'a-t-il expliqué.
Dans le chapitre suivant qui rassemble les
philosophes dont la pensée a été déterminante dans le domaine politique, nous
retrouverons les deux tendances. Beaucoup succombent à la réduction de l'homme à
ses aspects économiques et politiques. Celui qui les conteste au nom de
l'éthique, c'est le plus grand homme de notre siècle : le Mahatma Gandhi.
suite
TP chap. 10
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