TP
Chap 3


PASCAL (1623-1662)
La Réduction Naturaliste disqualifiée

 

 

 

Sommaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

sommaire

 
Une histoire de la pensée neutre est impossible :
* Si un historien considère que les Évangiles n'ont aucune valeur, il passera très rapidement sur Augustin, Bernard et Thomas d'Aquin car d'après lui, ils ont le tort de croire en  ces Évangiles.
- Par contre, il soulignera le rôle de Descartes qui rejette toute croyance, doute de tout et fonde sa philosophie sur une évidence rationnelle : "Je pense donc je suis".
* Puisque je suis convaincu au contraire que la philosophie grecque antique conduit à la tristesse de Marc Aurèle parce qu'elle est limitée à la pure raison et que c'est la révélation Évangélique qui apporte les réponses surabondantes aux questions humaines, j'ai donné une grande place à Augustin, à Bernard et Thomas d'Aquin.
- Par contre, Descartes m'apparaît comme un "Réducteur". Il réduit la connaissance de l'homme à ce que la pure raison peut lui en dire. Il réduit le bonheur de l'homme à un bonheur naturel, une contemplation philosophique ? Et une immortalité de l'âme qui ignore le pardon de Dieu révélé par Jésus.
C'est ce que j'ai appelé la réduction naturaliste de l'homme. Elle enlève la  connaissance surnaturelle de la foi et le bonheur surnaturel de la divinisation en Jésus.
* Cette réduction naturaliste est disqualifiée par Blaise PASCAL (1623-1662) qui montre que l'homme ramené ainsi à des dimensions purement naturelles est incompréhensible.
Non seulement Pascal dévoile l'échec de toutes les philosophies rationalistes, mais dans ses notes en désordre que l'on a publiées après sa mort sous le titre "Les Pensées", il y a des réflexions géniales qui renversent à  l'avance toutes les "réductions" qui vont être proposées par divers philosophes pendant les quatre siècles qui suivent. Voilà pourquoi c'est ce livre qui sera le plus longuement présenté pour cette troisième période.

Voici les 7 parties de cette introduction aux "Pensées".
1/ Après avoir rappelé que les progrès scientifiques ne sont d'aucun secours au moment d'une épreuve morale,
2/ Pascal dénonce la sottise de la plupart des hommes qui se divertissent, au lieu de réfléchir et de choisir le vrai bonheur.
3/ Ils négligent d'examiner les questions importantes et spécialement la question décisive de la mort. Toute la vie change selon la réponse qu'on apporte à cette question.
4/ Pascal nous fait prendre conscience du mystère des deux infinis qui sont en l'homme
            - sa faiblesse et sa soif  de bonheur infini,
            - son désir infini et la finitude de la mort.
5/ Autre découverte géniale de Pascal : les trois niveaux irréductibles de réalité, ce qu'il appelle "les trois ordres".
6/ Avec ces éléments, Pascal montre que la seule attitude raisonnable pour l'homme est d'accepter une révélation qui dépasse la raison, la révélation évangélique.
7/ Les derniers extraits que nous donnerons montrent que la source de la conviction de Pascal est une expérience mystique, semblable à celle que nous avons décrite dans la seconde période avec Augustin, Bernard, Thérèse.

Il est possible que l'un ou l'autre lecteur s'imagine que je suis le seul à donner tant d'importance à Pascal. Aussi ai-je pensé qu'il était opportun de citer quelques appréciations de philosophes, amis ou ennemis de Pascal, qui ont tous en commun de le considérer comme une étape importante de l'Histoire de la Pensée. Certains veulent l'attaquer, d'autres l'admirent. Tous reconnaissent sa force. Certains adversaires ne trouvent pas d'autres solutions que de ne pas en parler. Voici donc ces appréciations.
        - BERGSON : "Pascal, plus que Descartes, a ouvert à la pensée moderne une voie inédite et la plus féconde".
        - NIETZSCHE : " Pascal; je l'aime presque" Mais cette admiration est chez Nietzsche un motif de plus pour haïr Jésus qui "a brisé un homme de la trempe de Pascal !".
           Un des choix qui va s'imposer au lecteur : choisir entre la confiance de Pascal envers Jésus et la révolte désespérée de Nietzsche. Où est la vérité ? Où est le vrai bonheur ?
        - Henri MONDOR : " Aider les hommes à chercher le remède au désespoir exige bien d'autres choses que des équations".
        - MAURRAS : "Le funeste Pascal a désarmé la raison et a voulu substituer à l'autorité de la raison celle du témoignage".
        - CHATEAUBRIAND : "Cet effrayant génie".
        - VALERY : admire Pascal mais regrette qu'il ait abandonné sa vocation de génie scientifique pour se consacrer à sa vocation d'homme et de chrétien. "Ayant changé sa neuve lampe (science) pour
           une vieille (la foi), il se perd à  coudre des papiers dans ses poches (le Mémorial, voir plus loin 7/) quand c'était l'heure de donner à la France la gloire du calcul infini".
        - VOLTAIRE : "Il y a si longtemps que j'ai envie de combattre ce géant. Il n'y a guerrier si bien armé qu'on ne puisse percer au défaut de la cuirasse... Un accident lui a dérangé le cerveau. Comment
           expliquer autrement qu'il ait abandonné les sciences?". (Parce qu'il a trouvé mieux ai-je envie de répondre à Voltaire.)
           "Ses pensées sont d'un enthousiaste non d'un philosophe" (Veux-tu écouter que ceux qui ne croient pas à ce qu'ils disent ?)
           "Un fanatique dont le but est de montrer l'homme dans un jour odieux et qui enseignait l'homme à se haïr" (M. Voltaire vous n'êtes pas honnête car Pascal abaisse l'homme qui s'élève mais il l'élève
            s'il s'abaisse).
SAVANT
Ce qui gêne les rationalistes, les scientistes et les naturalistes qui voudraient nous enfermer dans les limites de la raison, de la science, et de la nature, c'est que Pascal est le plus grand savant de son temps. En 1658, cinq années après la conversion dont nous parlerons, ayant trouvé la solution d'un problème scientifique dit de la roulette, il lance un défi à tous les savants (qui a cette époque vivent en Europe) d'en faire autant. Aucun n'y arrive. "Le fils de Monsieur Pascal" (comme dit Descartes avec mépris) a prouvé qu'il était le plus grand savant de son temps !.
TECHNICIEN
De plus Pascal est l'inventeur de la première machine à calculer qui est l'ancêtre de tous nos ordinateurs. A ceux qui  d'ailleurs sont tentés de donner trop d'importance à cette informatique moderne, on peut suggérer de réfléchir à cette pensée de Pascal :
"La machine arithmétique fait des effets qui approchent plus de la pensée que tout ce que font les animaux. Mais elle ne fait rien qui puisse faire  dire qu'elle a de la volonté comme les animaux" (262). Les fameux automates n'ont pas de désirs comme les animaux et encore moins de liberté comme les hommes !
GÉNIE POLYVALENT
Ce qui est sans doute unique dans l'histoire de la Pensée, c'est que Pascal est un génie dans de très nombreux domaines. Non seulement il démontre qu'il est le plus grand savant de son époque et la première source d'une série indéfinie d'inventions techniques, mais dévoile les différents aspects de la question centrale de la philosophie "que vais-je choisir pour devenir vraiment heureux ?"
Et c'est cet homme, dont l'intelligence est supérieure, fulgurante, qui choisit de faire confiance à Jésus en montrant que les rationalistes et les naturalistes ne pourront jamais comprendre l'homme ni trouver le vrai bonheur.
DISQUALIFICATION
Alors que progressivement les attaques contre la foi chrétienne vont s'accentuer, Pascal ne défend pas seulement cette foi. Il attaque et disqualifie définitivement les naturalistes et montre  que la plupart d'entre eux ne sont même pas des hommes. Ils ne choisissent pas, ils ne réfléchissent pas, ils fuient la question de la mort par le DIVERTISSEMENT. Que dirait Pascal s'il voyait l'universel divertissement télévisuel dans lequel sont noyés les "privilégiés" de notre époque.
UNE INTRODUCTION
Après avoir lu les introductions à Pascal, écrites par des philosophes : Jacques Chevalier, Jean Brun, Roger Vernaux, ou par des critiques littéraires comme Paul Guth, ou par des spécialistes comme Jean Mesnard et André Dodin, j'ai bien conscience que je ne pourrai jamais saisir tous les aspects de ce génie. Mais je voudrais proposer au lecteur une introduction à une lecture personnelle des "Pensées". Elles sont malheureusement désordonnées. Pascal est mort avant d'avoir pu les ranger lui-même. Le lecteur qui aura le courage de les relire intégralement, (en passant outre si un texte lui semble sans intérêt ou incompréhensible) en retirera à chaque lecture périodique un secours pour devenir plus humain, plus heureux, plus chrétien.
LES TROIS CONVERSIONS
Comme nous l'avons fait pour Augustin, nous pouvons retenir de la vie de Pascal les "événements intérieurs". Beaucoup de souffrances et de nombreuses maladies ! Pascal n'est pas de ces grands philosophes qui bâtissent des systèmes où il n'y a pas de place pour la souffrance, des systèmes philosophiques pour enfants gâtés !.
Pascal au contraire découvre la souffrance et la maladie dès son enfance. Mais ce qui est le plus important ce sont ces trois conversions.
    * En 1646, les jansénistes provoquent une première conversion, suivie d'une reprise de la vie mondaine.
    * Le 23 novembre 1654, c'est l'expérience mystique de la rencontre vivante avec Jésus. Ceux qui n'ont pas vibré à la lecture du récit qu'il a fait de cette nuit ne peuvent comprendre Pascal (voir ci-après)
    * En 1662, c'est la troisième conversion, rarement mentionnée par les historiens : le dévouement pour les plus pauvres où se manifeste une fois de plus son intelligence : il organise une entreprise de transport en commun dont les bénéfices iront aux pauvres.
LE POLÉMISTE
Pascal n'est pas un philosophe aux yeux de ceux qui comprennent le mot "philosophie" comme un "système de pensée" n'ayant rien à voir avec la réalité comme par exemple les délires de Hegel.
Ils ont raison. Pascal n'a rien "construit" mais il a détruit toutes les fausses réponses, réveillé toutes les questions, dévoilé les profondeurs insondables des mystères de la réalité humaine.
Pour dévoiler ces questions, il a dû attaquer sept groupes d'adversaires.
    * Il y a tout d'abord les athées ou les déistes qui confondent la foi chrétienne avec une "preuve" de l'existence de Dieu.
    * Deuxième groupe d'adversaire : ceux que Pascal appelle les "dogmatistes", ceux qui s'imaginent tout comprendre parce qu'ils ont oublié l'aspect de la réalité qui détruit leur système. Socrate qui sait qu'il ne sait rien est plus prés de la vérité.
    * Troisième groupe : les "sceptiques" que Pascal appelle "Pyrrhoniens" auxquels il montre que le choix est inévitable, même dans le cas où le mystère subsiste.
    * Quatrième groupe : les "stoïques" comme les appelle Pascal à qui il dit : "Vous ignorez les faiblesses de l'homme et ses passions invincibles" (407). Les stoïciens de tous les temps ne tiennent pas compte de l'homme tel qu'il est.
    * Cinquième groupe : les "épicuriens" -"Vous ignorez la soif de bonheur absolu qui est en l'homme".
    * Sixième groupe : les chrétiens tièdes et certains prêtres qui veulent adapter l'Évangile à tous les goûts. C'est contre eux qu'il écrit les "Provinciales" avant de s'apercevoir que cette querelle est stérile, car les deux camps prétendent comprendre deux "absolus", la grâce et la liberté. (voir PC chap. 4-2 - Augustin)
    * Septième groupe d'adversaires : les jansénistes auxquels il reproche encore plus qu'à leurs adversaires d'ignorer un aspect de l'évangile (n°786 LAFUMA, 865 BRUNSCHVICG) la liberté de l'homme.
Après avoir situé ainsi le contexte polémique des "Pensées" nous pouvons choisir sept centres d'intérêt laissant de côté d'innombrables aspects du génie de Pascal.

1/ LA SCIENCE REMISE A SA PLACE
2/ LE DIVERTISSEMENT
3/ LES QUESTIONS MÉCONNUES
4/ LES DEUX INFINIS (misère et grandeur, le mystère qui éclaire, paradoxes)
5/ LES TROIS ORDRES, LES DEUX ESPRITS, LA RAISON ET LE COEUR.
6/ LE CHOIX RAISONNABLE D'UNE FOI META-RATIONELLE, SURNATURELLE (le pari)
7/ INTIMITÉ MYSTIQUE (le mémorial, choisir le vrai bonheur, le "mystère de Jésus")

1/ LA SCIENCE REMISE A SA PLACE
La "Pensée" classée n°23 dans le classement de M. Lafuma (L23) (Edition du seuil 1962. Collection de poche. Livre de vie n°24-25) peut suffire à disqualifier le scientisme que nous présenterons au 9e chapitre : "La science des choses extérieures ne me consolera pas de l'ignorance de la morale au temps de l'affliction. Mais la Science des moeurs (éthique) me consolera toujours de l'ignorance des sciences extérieures". Il faudrait aussi citer (L83) : les deux "ignorances" et la "prétention" de ceux qui ont trop peu étudié et qui "jugent de tout et troublent le monde".

2/ LE DIVERTISSEMENT
Aux lecteurs qui, pour des motifs divers, ne peuvent pas prendre le temps de lire toutes les "Pensées", je conseille toujours de chercher dans les dernières pages la liste des mots et à partir du mot "divertissement", d'aller lire les "Pensées" qui décrivent cette tentation du "divertissement".
On peut penser que les trois quarts des hommes, non seulement ne peuvent pas proposer une réponse meilleure que celle que la Révélation Évangélique apporte aux questions humaines, mais qu'ils ne s'arrêtent pas de se détourner de ces questions en se divertissant.
Cette habitude du divertissement disqualifie la majorité de ceux qui prétendent ne pas avoir besoin de la foi chrétienne pour être heureux.
"Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère et l'ignorance, ils se sont avisé, pour se rendre heureux de n'y point penser" (133). "Ils croient chercher sincèrement le repos et ne cherchent en effet que l'agitation" (136) (pour ne pas réfléchir).
Pourquoi donc tant d'hommes de nos jours, plus qu'aux jours de Pascal, craignent le silence et la solitude ?
"Aussitôt il sortira du fond de son âme l'ennui, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir" (622) Pascal pense que  le plus grand malheur des hommes vient de cette peur de la réflexion profonde.

3/ LES QUESTIONS MÉCONNUES
Que de questions méconnues que Pascal dévoile en les exprimant dans un style éblouissant car il est un orfèvre de la langue française. Mais Pascal s'étonne surtout de voir que tant d'hommes n'essaient pas avant tout de réfléchir à la question DÉCISIVE de l'au-delà de la mort.
"Car toutes nos actions et toutes nos pensées doivent prendre des routes si différentes selon qu'il y aura un bonheur éternel à espérer (au-delà de la mort) ou non" "Notre premier INTÉRÊT est donc de nous éclaircir sur ce sujet, d'où dépend toute notre conduite".
La longue réflexion du n°427 (194B) contient plus de philosophie que des bibliothèques entières qui portent cette étiquette. Pascal y montre sa stupéfaction de voir dans la même personne une attention passionnée pour des bagatelles et un désintérêt total pour la question décisive de la mort.
"Rien n'est important que cela et on ne néglige que cela" (432). "Il est certain qu'on n'y sera pas longtemps et incertains si on y sera une heure" (dans cette vie) L154. Belle description (227) de la fin de toute vie. Importance des maladies qui invitent à l'attention. Mais disent ses amis, "quand il nous parlait de la mort, il nous parlait en même temps de JÉSUS-CHRIST!".

4/ LES DEUX INFINIS
Si des philosophes ou des savants ou des ignorants s'imaginent avoir compris la vie humaine c'est, explique Pascal parce qu'ils ont oublié ou négligé un des deux aspects contraire qui s'y trouvent. Cette tension que Pascal dévoile surtout en l'homme, il l'a désigne sous l'appellation "Contrariétés".
"L'homme est un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant... infiniment éloigné de "com-prendre" les extrêmes" (199).
"Incapable de savoir certainement et d'ignorer absolument"
Pascal nous montre que pour détecter l'illusion de la plupart des philosophies et des religions, il suffit d'en chercher les déséquilibres qui s'explique par l'ignorance de l'un ou l'autre aspect de l'homme.
"les deux raisons contraires. Il faut commencer par là. Sans cela on ne comprend rien et on est hérétique. A la fin de chaque vérité, il faut ajouter qu'on se souvient de la vérité opposée" (576). Dans cette recommandation, il y a plus d'épistémologie que dans tous ces philosophes que l'on étudie dans les universités. Et Pascal rappelle qu'une réalité incompréhensible est cependant bien réelle.
"Tout ce qui est incompréhensible, ne laisse pas d'être".

MISÈRE - GRANDEUR
Le plus incompréhensible des êtres c'est l'homme tel qu'il est actuellement. Pascal montre que la moins mauvaise explication c'est que l'homme a été jadis dans un autre état dont il est tombé. Cette explication est incompréhensible. Mais l'homme est encore plus incompréhensible sans cette explication.
Pascal veut contraindre son lecteur à découvrir sa misère d'une part et sa grandeur d'autre part : "S'il se vante je  l'abaisse, s'il s'abaisse je le vante et le contredis toujours. Jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible".
Pascal s'acharne à montrer à  l'homme les limites de sa raison trompée par les sens, l'imagination (44), les coutumes, la vanité, l'inconstance, une mouche (48), les maladies, l'orgueil (77), les craintes (638), les espoirs (634).
Tous les gros livres de Kant sont un commentaire de ces pensées où Pascal nous démontre les limites de la raison.
Pascal rappelle les conséquences que peut avoir la longueur du  nez d'une femme (413) sur les décisions d'un homme politique et sur l'avenir d'un peuple !
Mais après avoir montré toutes les limites et les faiblesses des hommes, Pascal en rappelle la grandeur face à l'univers des étoiles "qui m'engloutit comme un point, mais par la pensée je le comprends" (113).
"Toute notre dignité consiste dans la pensée" (200) "C'est être grand que de CON-NAÎTRE  qu'on est misérable".
"Nous avons en nous un instinct que nous ne pouvons réprimer et qui nous élève" (633). Ceux qui voudraient que l'homme s'abandonne à ses instincts les plus bas ne connaisse pas l'homme.
LE MYSTÈRE QUI ÉCLAIRE
Si nous sommes malheureux, c'est parce qu'on nous a enlevé quelque chose.
"Qui se trouve malheureux de n'avoir qu'une bouche et qui ne se trouverait malheureux de n'avoir qu'un oeil" (117)
Et Pascal découvre la Parole que Dieu nous dit : "Vous n'êtes plus maintenant en l'état ou je vous ai formé".
Ce mystère de la "faute originelle" du livre de la Genèse est la seule explication valable de l'état de l'homme réel. Les philosophes, dit Pascal ne tiennent pas compte de votre état réel.
PARADOXES
Pascal découvre des paradoxes également dans la foi chrétienne elle-même. "Il y a assez de lumière pour ceux qui désirent vraiment voir et assez d'obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire" et qui cherchent des justification à leur incroyance.

5/ LES TROIS ORDRES, LES DEUX ESPRITS, LA RAISON ET LE COEUR.
Le titre général donné à  la Troisième période de cette "Histoire de la Pensée" indique que la tendance la plus fréquente des philosophes pendant ces quatre siècles est de réduire la réalité à une dimension toujours plus étroite : réductions naturalistes.
Face à cette réduction naturaliste une réflexion de Pascal est percutante : les trois ordres (L308-B793)
Il nous explique qu'il y a trois niveaux de réalité, trois ordres de grandeur et donc trois langages :
                    - Le niveau de réalité des corps.
                    - Le niveau de  réalité des esprits.
                    - Le niveau de réalité de la nouvelle relation surnaturelle avec Dieu en Jésus, qu'on appelle la charité.
"La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle."
Roger Verneaux fait remarquer que Pascal transpose ici un concept de géométrie où la surface est d'un autre ordre que la ligne, et le volume d'un autre ordre que la surface.
Autre contribution importante de Pascal les deux "esprits". Disons les deux formes de sensibilités. Parfois il distingue "esprit de géométrie et esprit de justesse" (n°511) et parfois "esprit de  géométrie et esprit de finesse" (512) "où l'on voit à peine les principes, on les sent plutôt qu'on ne les voit, on a des peines infinies à les faire sentir à ceux qui ne les sentent pas d'eux-mêmes."
Enfin un autre concept pascalien dans la célèbre pensée 423 "Le COEUR a ses raisons que la raison ne connaît pas. C'est le coeur qui "sent" Dieu non la raison. Voilà ce qu'est la foi, Dieu sensible au COEUR non à la raison".
Dans la pensée 110, il y a les mots "sentiments, instinct". Le "coeur" dans le vocabulaire de Pascal c'est aussi "Volonté, amour, perception directe, intuitionnelle".
JÉSUS
Cette perception des trois ordre de grandeur, des deux sensibilités, cette découverte du rôle du "coeur", cette difficulté à concilier la misère de l'homme et sa soif d'absolu nous permettent  d'apprécier la personne de Jésus où tout reçoit son sens.
    - "La connaissance de Dieu sans celle de sa propre misère fait l'orgueil.
    - La connaissance de sa misère sans la connaissance de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu parce que nous y trouvons et Dieu et notre misère"
  (192)
      "Non seulement nous ne connaissons Dieu que par Jésus-Christ. Mais nous ne nous connaissons nous-mêmes que par Jésus-Christ, nous ne connaissons la vie, la mort que par Jésus-Christ. Hors de
        Jésus nous ne savons rien de notre vie, rien de notre mort, rien de Dieu, rien de nous-même."

Ainsi sans l'Écriture "qui n'a que Jésus-Christ pour objet nous ne connaissons rien".
"Jésus-Christ que les deux testaments regardent. L'Ancien comme son attente, le Nouveau comme son modèle, tout deux comme son centre" (388)

6/ LE CHOIX RAISONNABLE D'UNE FOI META-RATIONELLE, SURNATURELLE
Dans les papiers dispersés que l'on a publiés sous le titre de "PENSEES" Pascal ressemble des arguments montrant que la foi chrétienne dépasse bien sûr les possibilités de la raison mais qu'il est raisonnable de "donner sa foi à Jésus" que c'est même la seule attitude raisonnable.
        - Il attaque l'insouciance de tous les hommes qui n'ont pas encore d'opinion ferme sur le sens de la vie et qui ne cherchent même pas.
        - Il dénonce l'obstacle des passions "j'aurais vite quitté les plaisirs si j'avais la foi" lui disent certains et il leur répond : "Vous auriez bien vite la foi, si vous quittiez les plaisirs" (816)
        - Certains textes décrivent l'état d'un homme qui cherche mais doute encore : "voyant trop pour nier, trop peu pour m'assurer" (429).
        - "Il faut savoir douter où il faut, assurer où il faut, en se soumettant où il faut" (170). Donc pas de CRÉDULITÉ ni de RATIONALISME.
        - "Car rien n'est si conforme à la raison que ce désaveu de la raison" (182), quand il le faut.
        - Après avoir reconnu que la pure raison a ses limites, il faut voir que la Révélation évangélique explique l'homme, "sa grandeur, sa petitesse et la raison de l'une et de l'autre" (215) de la manière la plus satisfaisante, mieux que les philosophes et les autres croyances.
Nous ne pouvons même pas énumérer tous les arguments avancés par Pascal en faveur de la foi. Il insiste sur les prophéties...

LE PARI
il y a le fameux "pari" !
        - Il faut choisir d'être chrétien ou de  ne pas l'être.
        - On ne perd rien en devenant chrétien car si au delà de la mort il  a le bonheur infini "vous gagnez", "s'il n'y a rien, vous ne perdez rien".
        - "Avancez sans tout comprendre, afin de comprendre ensuite car cela enlèvera vos passions qui sont le grand obstacle."
        - "Et à chaque pas que vous ferez, l'expérience vous prouvera que le bonheur est là". (418) : dans la foi chrétienne.
Et le pari se termine par ces mots importants :
"Sachez que ce discours est fait par un homme qui s'est mis à genoux pour prier". Cette remarque nous introduit au coeur de la "philosophie" de Pascal : une rencontre personnelle avec Jésus et une intimité mystique qui est la source et l'aboutissement de son cheminement.

7/ INTIMITÉ MYSTIQUE
Nous aurions pu citer les innombrables arguments que Pascal avance pour disqualifier toutes les philosophies et les diverses croyances, les attitudes diverses des incroyants qui attaquaient la foi chrétienne.
Il y a également tous les arguments en faveur des Évangiles et de la foi chrétienne. Nous venons de résumer l'argument du Pari qu'il faut lire intégralement avec attention car une seule ligne oubliée, négligée, ou soulignée peut modifier la signification de ce texte.
Toutes ces discussions ne suffiront jamais pour expliquer pourquoi Pascal, ce génie scientifique, technique et philosophique ne s'est pas contenté de suivre médiocrement quelques coutumes chrétiennes mais est devenu passionnément amoureux de Jésus.
Pour comprendre cette conversion personnelle et profonde, il faut lire et "sympathiser" avec les deux textes intitulés "Mémorial" et le "Mystère de Jésus".

LE MÉMORIAL (913)
Le "Mémorial" est un petit parchemin que Pascal portait sur lui-même en le cousant dans la doublure de ses vêtements. Il y aurait décrit le bouleversement intérieur  vécu pendant deux heures au milieu d'une nuit. Une expérience mystique, la conversion décisive. Le style est heurté et témoigne de la profondeur de l'ébranlement, de la joie, de la décision qui est prise de devenir vraiment disciple amoureux de Jésus et de l'évangile.
Voici quelques extraits de ce texte intime :
        - "L'an de grâce 1654
           Lundi  23 novembre... depuis environ dix heures et demi du soir jusques environ minuit et demi. Feu. Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants.
        - Certitudes, certitude, sentiment, joie, PAIX
        - Dieu de J
ÉSUS CHRIST
        - Oubli du monde, de tout, sauf Dieu.
        - Il ne se trouve que par les voies enseignées dans l'
ÉVANGILE.
        - Grandeur de l'âme humaine"
           Joie, joie, joie, pleurs de JOIE !
        - Je m'en suis séparé !
        - "Ils m'ont abandonné, moi la source d'eau vive".
        - Mon Dieu, me quitterez-vous ?
        - Que je n'en sois pas séparé éternellement.
        - Jésus Christ, je m'en suis séparé, je l'ai fui, renoncé, crucifié.
        - Que ne n'en sois jamais séparé.
        - Il ne se conserve que par les voies enseignées dans l'
Évangile.
        - Renonciation totale et douce.
        - Soumission totale à Jésus Christ et à mon directeur
        -
ÉTERNELLEMENT EN JOIE POUR UN JOUR D'EXERCICE SUR LA TERRE.
          Que jamais je n'oublie tes enseignements. Amen"

CHOISIR LE VRAI BONHEUR
La première ligne de l'introduction générale formulait la question centrale de la philosophie. "Que vais-je choisir pour devenir vraiment heureux ?".
En lisant le "Mémorial" de Pascal chaque lecteur rencontre le témoignage écrit d'un bonheur profond.
A-t-il trouvé chez les rationalistes cet accent de joie  paisible, qui tient compte de nos faiblesses mais en est délivré par le pardon ?
Certains lecteurs, peut-être, refusent de se laisser impressionner par cet enthousiasme ? Ils veulent des raisonnements ? Qu'ils lisent les 'Pensées" ! Une ligne de Pascal suffit parfois à renverser tout un système intellectuel car il attaque toutes les assurances. Nous avons même dénombré sept groupes d'adversaires que Pascal attaque.
Pour ceux qui ont vibré à la lecture du "Mémorial", un autre texte peut les aider à comprendre qu'entre chacun ce nous et Jésus, peut commencer un dialogue, fruit d'une lecture "spirituelle" des évangiles.

LE "MYSTERE" DE JÉSUS (919)
Voici, extraites du texte de Pascal intitulé "Mystère de Jésus", quelques paroles de Jésus que Pascal "entend" et que chacun de nous peut un jour entendre comme étant adressées personnellement à lui-même :
        - "Console-toi. Tu ne me rechercherais pas si tu ne m'avais trouvé.
        - je pensais à toi dans mon agonie, j'ai versé telles gouttes de sang pour toi.
        - Veux-tu qu'il me coûte toujours du sang de mon humanité sans que tu donnes des larmes ? - C'est mon affaire que ta conversion.
        - Je te suis présent par ma parole dans l'
Écriture, par mon Esprit dans l'Église, par ma puissance dans les prêtres, par ma prière dans les fidèles.
        - Je te suis ami plus que tel et tel car j'ai fait pour toi plus qu'eux et ils ne souffriraient pas ce que j'ai souffert de toi et ne mourraient pas pour toi dans le temps de tes infidélités. - Si tu
           connaissais tes péchés tu perdrais ton coeur".

(Et Pascal répond. Un véritable dialogue entamé pour lui comme il peut l'être pour chacun de nous).
        - "Je perdrai donc mon coeur, Seigneur, car je crois leur malice sur votre assurance.
        - Non, car moi par qui tu l'apprends t'en peux guérir... Fais donc pénitence pour tes péchés cachés et pour la malice occulte de ceux que tu connais.
        - Seigneur, je vous donne tout.
        - Je t'aime plus ardemment que tu n'as aimé tes souillures".

*

Juste avant ce dialogue qui est un écho des évangiles, Pascal écrit sa méditation sur Jésus à Gethsémani. Évoquant la demande que Jésus y fait à ses disciples de rester avec lui, Pascal écrit : "Jésus a prié les hommes et n'en a pas été exaucé. Jésus, pendant que ses disciples dormait, a opéré leur salut..."
"Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du monde. Il ne faut pas dormir pendant ce temps là..."

Et sous la plume de Pascal, une autre recommandation spirituelle "Si Dieu nous donnait des maîtres de sa main, il faudrait leur obéir de bon coeur; La nécessité et les événements en sont infailliblement".

UN SOMMET
Quelques lecteurs seront étonnés de lire ces citations dans une "Histoire de la Pensée", car d'après eux, elles auraient plutôt leur place dans une Histoire de la Spiritualité Chrétienne.
Je leur répondrait que, d'après moi, une "Histoire de la Pensée" ne doit pas seulement présenter ceux qui cherchent le vrai bonheur mais aussi ceux qui l'ont trouvé et qui expriment leur joie et leur cheminement qu'ils poursuivent pour y être davantage fidèle. La spiritualité chrétienne est le sommet de la  Pensée humaine.
Comme AUGUSTIN, BERNARD ou THÉRÈSE que nous avons présentés dans le cadre de la Seconde Période, PASCAL montre que son bonheur et son enthousiasme s'expliquent par le fait qu'il se sait aimé, pardonné, converti par Jésus.
Mais il est différent de ces trois mystiques par l'époque où la Révélation évangélique est rejetée et méconnue. IL EST UN GUIDE POUR NOTRE TEMPS;
Moins grand sans doute que d'autres mystiques chrétiens, il est PLUS ACTUEL. Il dévoile les lacunes de toutes ces philosophies prétentieuses qui se succèdent depuis 1600 jusqu'à  nos jours.
Ses "Pensées" sont un sommet de "l'Histoire de la Pensée"


                    Cependant, lui, comme tous les autres philosophes avant et même après Jésus, est incomplet.
                    Voilà pourquoi, pour compléter le panorama de ce siècle, le quatrième chapitre présente un autre homme contemporain de DESCARTES
                    et de PASCAL, VINCENT DEPAUL. Sa pensée n'est pas seulement écrite dans les livres, elle s'incarne dans une action et des disciples
                    innombrables vivant de nos jours dans tous les continents.
                    Quels philosophes parmi ceux que l'on présente comme "important", qu'il "faut absolument lire" a aujourd'hui ont autant de disciples
                     dans des associations vivantes se réclamant explicitement de Vincent DEPAUL.

suite TP chap 4