PC
Chap.6


LE SIÈCLE DES UNIVERSITÉS  ET DES SYNTHÈSES CHRÉTIENNES
 (Thomas d'Aquin)

 

 

 

 

Sommaire

 

 

 

 

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sommaire

 

Entre 1200 et 1300 se produit une nouvelle rencontre entre la révélation évangélique et la rationalité purement philosophique. Des chrétiens, après plusieurs siècles d'isolement, redécouvrent une philosophie vraiment indépendante de la révélation évangélique puisqu'elle est antérieure : la philosophie d'Aristote. Cette rencontre se fait :
                        I - Grâce aux philosophes arabes
                        II - Dans le cadre des universités,
                        III - Avec trois réactions des autorités.
Cette rencontre provoque un renouveau dans l'"Histoire de le Pensée" et il faut retenir au moins les noms de sept philosophes importants.

I. CONTRIBUTION DES PHILOSOPHES ARABES ET JUIFS
Même si quelques textes d'Aristote étaient connus en Europe, l'essentiel de son œuvre, interdite par JUSTINIEN en 529, avait été recopiée à l'EST de l'Empire et traduit en syriaque. A l'occasion de l'expansion de l'Islam, ces textes sont traduits par les arabes qui  les apportent en Espagne d'où ils parviendront en France.
Comme les chrétiens le feront ensuite, les musulmans réagissent de diverses façon au choc de leur foi avec la philosophie d'Aristote (voir PC Chap. 3)
Certains essaient de pénétrer le contenu de leur foi en utilisant le vocabulaire philosophique. D'autres considèrent  la philosophie comme une forme supérieure de la connaissance, réservée aux intellectuels.
D'autres encore, rejettent la philosophie et provoque son émigration en Espagne...

Trois noms au moins méritent d'être mentionnés.
ALFARABI d'origine perse (870-1036)
"Les être se divisent en êtres contingents et en êtres nécessaires. Les premiers ont une cause, les seconds sont sans cause". Il faut remarquer qu'Alfarabi fait de l'existence un "accident".
AVICENNE (IBN SINA), (985-1036)
Médecin et pas seulement philosophe, il pense que l'Être Nécessaire cause nécessairement : d'abord la première Intelligence, puis les sphères et ainsi de suite...
AVERROÈS (IBN ROCHD) (1126-1198)
Les auteurs chrétiens médiévaux l'appelle "Le Commentateur" (sous entendu d'Aristote). D'après lui, le sens philosophique du texte du Coran est le sens "supérieur".
Il considère Aristote (dont il faut restituer le texte exact) comme "La Vérité" Suprême". Avec lui commence une tradition de vénération presque religieuse envers Aristote y compris dans le domaine scientifique. C'est contre cette autorité d'Aristote que la science naissante va devoir lutter plus que contre les théologiens (PC7intro).
Désormais il y aura la tradition averroïste comportant trois caractéristiques :
        - Le rationalisme et le rejet de toute révélation (caché dernière le thème des deux vérités)
        - La création est éternelle et nécessaire et non pas libre
        - Il y a une intelligence (un intellect actif) commune et unique pour tous les hommes.  
(Biographie - Aristote, traduit, commenté et transmis par les Arabes -  BNF)
En symbiose avec des philosophes arabes, il y a les philosophes juifs, Isaac ISRAËLI (865-955), GABIROL-AVICEBRON (1021-1050) et MAÏMONIDE de CORDOUE (1135-1204)

 

II. LIEU DE LA RENCONTRE, LES UNIVERSITÉ
Des professeurs célèbre comme Abélard (PC5) attirent des étudiants de tous les pays. Les rois et le pape préfèrent contrôler et organiser tout ce monde d'étudiants et de professeurs en donnant des statuts à partir de 1215 à diverses universités comme à Bologne, Paris et Oxford. Cette innovation donne une certaine indépendance au monde étudiant mais entame la séparation des études et de la vie concrète non seulement pour la philosophie, mais aussi pour la théologie.
        - La théologie était pastorale (50-800) lorsque les théologiens étaient évêques
        - Elle a été monastique lorsque les théologiens étaient des moines (800-1200)
        - Elle va devenir universitaire, scolaire, intellectualiste avec le risque d'être rationaliste ou répétitive.

III. TROIS RÉACTIONS FACE À ARISTOTE
Bientôt ce sont les oeuvres d'Aristote lui-même (que l'on a retrouvées en Grèce) qui sont traduites par des spécialistes : Guillaume de Mœrbeke, Amaury de Chartres et David de Dinant. On trouve des mélanges de toutes les doctrines de l'antiquité. Les autorités ecclésiastiques qui contrôlent les Universités réagissent. Mais en un siècle, ce qui était défendu devient obligatoire...
        - En 1215 : interdiction des livres métaphysiques d'Aristote.
          En 1228, Grégoire IX demande d'enseigner "une théologie privée de toute science du siècle sans mélange de fictions philosophiques".
        - En 1231 : une commission va séparer dans Aristote  : le vrai et le faux !!!
        - En 1366 : Aristote est devenu obligatoire pour les candidats à la licence !!!
           Pendant des siècles encore, des autorités vont essayer d'interdire la lecture de certains auteurs au  lieu d'en montrer la part de vérité et les
           limites !

IV. BONAVENTURE ( 1217-1274)
Nous devons donner au  moins sept noms en commençant par celui qui deviendra le supérieur général des Franciscains mais qui avait été professeur en même temps que Thomas d'Aquin.
Son vrai nom : Jean de Fidenza. Son vrai mérite ne se trouve pas dans ses idées philosophiques mais dans la synthèse SPIRITUELLE qu'il donne dans son "Itinéraire de l'âme en route vers Dieu" et qui peut nous aider dans notre recherche de vrai bonheur.
"En cette traversée il importe de laisser là toute spéculation intellectuelle. Toute la pointe du DÉSIR doit être transportée en Dieu"...
"Interroge ton ASPIRATION profonde, non ton intelligence, le gémissement de ta prière, et non ta passion pour la lecture, interroge l'ÉPOUX et non le professeur, DIEU et non pas l'homme. (15 juillet)
"Debout, toi qui es aimé par le Christ... Accours, animé d'un brûlant DÉSIR..."
"Le SIMPLE FIDÈLE QUI CROÎT est plus certain que le philosophe qui sait".

V. ROGER BACON (1212-1292)
(A ne pas confondre avec Francis Bacon 1561-1636) (voir TPchap2)
Franciscain d'Oxford qui passe les deux dernières années de sa vie en prison à cause de "quelques nouveautés suspectes". A Oxford, on continuait à étudier les mathématiques, les sciences, les langues dont le grec. Déjà à cette époque, les Anglais apparaissent comme plus PRAGMATIQUES. Cette tendance va les aider à faire davantage confiance aux expériences concrètes et moins aux constructions d'idées. Leurs contributions seront importantes en sciences, en politiques et en économie.
En épistémologie, ils auront tendance à limiter la connaissance à la connaissance sensible.
Roger Bacon se moque d'Albert le Grand qui ne connaît pas le grec et de Thomas d'Aquin qui, d'après lui "n'a pas étudié". !!!

VI. ALBERT LE GRAND (1193-1280)
LE PHILOSOPHE CHARNIÈRE QUI DISTINGUE CLAIREMENT PHILOSOPHIE ET THÉOLOGIE.
Originaire d'une famille allemande de militaire, il entre chez les Dominicains et enseigne à Cologne et dans diverses villes de France...
Albert le Grand : la distinction Philosophie - Théologie  (Voir Épistémologie  et PCchap1  Épistémologie évangélique)
- C'est lui qui le premier, très clairement dans l'Histoire de la Pensée distingue entre la pure rationalité de la philosophie et de la science d'une part et la théologie qui fait confiance à la Parole venue de Dieu d'autre part.
"C'est la caractéristique du philosophe lorsqu'il dit quelque chose, de le dire avec une preuve rationnelle."
Il distingue les domaines et les autorités; En morale : Augustin; En médecine : Hippocrate; En physique : Aristote. Mais convaincu qu'Aristote est un homme, il faut admettre sans difficulté qu'il a pu se tromper comme cela nous arrive".
(On remarquera en passant que philosophie et science sont encore confondues)

CETTE DISTINCTION
        - Libère la théologie de problème purement philosophique, épistémologique, etc...
        - Libère la philosophie de problème théologique comme la Trinité, l'Incarnation...
Cette distinction a été favorisée par la découverte d'Aristote qui constituait un exemple réel des conditions d'exercice de la rationalité pure.
Jusqu'en 1700, Albert le Grand sera accusé d'avoir "introduit la philosophie dans le sanctuaire de la demeure du Christ" Il ne sera canonisé qu'en 1931 !

VII. THOMAS d'AQUIN (1224-1274)
Même si le texte que je compose est destiné à des débutants pour lesquels les livres écrits par les spécialistes sont trop difficiles, même si je dois être très bref, j'éprouve régulièrement une véritable appréhension au moment de présenter en quelques lignes la pensée de certains grands philosophes et la pensée du plus grand théologien catholique !
La difficulté est d'autant plus grande que, de nos jours, il a des partisans et des ennemis. Voici en quelques mots les arguments des uns et des autres.
Même un contact limité suffit à découvrir son style. Chaque question est clairement posée. Les arguments en faveur des diverses réponses sont rappelés. La discussion se termine souvent pas une position moyenne. "Sérénité ennuyeuse" disent les uns. "Clarté séduisante" disent les autres.
- "Au lieu du drame du choix comme chez Augustin, on découvre des syllogismes", se plaignent certains. A cela CHESTERTON répond dans un très beau livre "Thomas d'Aquin" édité en 1935 chez Plon. Il rapproche Thomas d'Aquin de François d'Assise qui, tous deux, nous guérissent du pessimisme et du spiritualisme hindou et oriental. L'Incarnation nous rappelle que la nature et l'intelligence sont bonnes !
- "Mieux vaut, disent encore les adversaires, lire le Nouveau Testament et les Pères au lieu de se perdre dans les discussions et des distinctions, des genres et des espèces".
Réponse : "distinguer Thomas de ses commentateurs". De plus la méditation de la Bible et des Pères n'enlève pas la nécessité d'une étude systématique et complète et en cela, Thomas est le maître.
A ces discussions on peut ajouter que la plupart de ses textes sont des commentaires de la Bible et que pour le connaître, il faudrait sympathiser avec le texte des prières qu'il a composées.
En voici quelques lignes avant de passer à sa philosophie et à sa théologie :
        " Seigneur je viens à toi
        - comme un infirme au médecin de sa vie,
        - comme un impur à la source de miséricorde,
        - comme un aveugle à la lumière de la clarté éternelle".
                    -"Donne moi souvent
                       de porter mon coeur vers toi et, quand je faiblis de peser ma faute avec douleur, avec un ferme propos de me corriger".

Avant l'étude :
"Toi qui es la source de la lumière et de la sagesse, donne-moi la pénétration pour comprendre, la capacité de retenir, la méthode et la facilité pour apprendre, la sagacité pour interpréter et une grâce abondante pour m'exprimer".
(cité par Jean d'ORCASE "des mots pour prier" Cerf 1988 page 97)

1° ÉPISTÉMOLOGIE THOMISTE
Trois manières de connaître.
Dans le 4e livre du "Contra gentiles", un très beau texte synthétise épistémologie, ontologie et éthique en montrant qu'il y a trois degrés de la connaissance de Dieu. (voir Épistémologie 1b-  valeur de nos idées - 3e réponse).
        - Puisque toute connaissance humaine a son point de départ dans la connaissance sensible, l'intuition directe de Dieu est impossible, non seulement parce qu'il n'est pas matériel, mais "séparé par un
          un abîme de supériorité".

          "Or la bonheur parfait de l'homme est la connaissance de Dieu. L'homme est-il incapable d'atteindre son but ? Il peut s'avancer en partant
           des choses inférieures, confiant qu'il y a un ordre et que la Cause est supérieure, il peut déjà avoir une idée de Dieu. Mais le principe n'a
           aucune proportion avec les créatures".
        - Heureusement "Dieu a voulu RÉVÉLER certains aspects de son Être mais cette  révélation ne peut être comprise, seulement crue".
        - Au-delà de la mort l'homme sera élevé jusqu'à l'INTUITION DES VÉRITÉS RÉVÉLÉES.
Il y a donc trois manières pour l'homme de connaître les réalités divines".

Dans la première partie de la Somme il y a tout un cours d'Histoire de l'épistémologie : - "Selon Platon... les idées... erreur"
                                                                                                                                   - "D'après Démocrite... les images"
                                                                                                                                   - "Aristote adopte une position intermédiaire"2° THÉODICÉE THOMISTE
Les spécialistes ne sont pas d'accord pour savoir s'il y a des preuves ou des voies pour affirmer l'existence de Dieu.
Thomas d'Aquin (Voir Ontologie -2c d'où vient l'existence des êtres)
- part d'une réalité sensible : (le mouvement, l'ordre, la perfection, la contingence).
- établit une série de cause
- et montre qu'il y a un terme, une fin à cette série de cause, une Cause, appelée DIEU.
La création a trois caractéristiques.
Dieu est cause
- de tout ce qui existe
- de toute leur existence à partir de rien et à tout moment
- mais Dieu DONNE vraiment une existence réelle qui (avec ce qu'il est nature, essence) constitue tout être.
Dieu n'ayant pas fait une nature distincte de son existence, il n'y a pas de "définition" de Dieu, mais nous nions pour lui tout ce que nous considérons comme des défauts (mouvement ?) nous affirmons ce que nous considérons comme qualités.
Mais, (peut-on objecter) l'intelligence humaine ne se trompe-t-elle pas dans cette distinction des défauts et des qualités ?

3° ÉTHIQUE THOMISTE
La volonté est cette faculté dont l'objet est tout bien et le BIEN. Elle adhère nécessairement à la fin dernière qui est le BONHEUR.
"La volonté est douée du libre choix. S'il en était autrement, conseil et exhortations seraient dénués de sens."
"La connaissance est une des causes de l'amour car le bien ne peut être aimé que s'il est connu."
"La fin dernière doit être un bien  parfait capable de SATURER le DÉSIR.
"Nous voudrions vivre sans fin et  nous avons naturellement horreur de la mort".
DEUX BÉATITUDES
L'homme peut atteindre un bonheur imparfait par ses propres forces : la vie vertueuse. Le bonheur parfait, la vision et la jouissance de Dieu, l'homme ne peut le conquérir par ses forces naturelles. LA GRÂCE EST DONC DEUX FOIS NÉCESSAIRE.
- pour recouvrer la santé de sa nature
- et pour exercer les actes des vertus surnaturelles (sans oublier la notion de la Cause Première) (I, II-109 Z)

4° POLITIQUE THOMISTE
Comme pour les autres questions, on trouvera le même ton dans le texte sur "le roi et le gouvernement". Un but : le bonheur. Diversité des voies et des désirs.
De plus, contrairement à ce qui se passe pour l'animal, l'homme doit travailler, personne ne peut seul tout savoir. Preuve : le langage ! Risque de dissociation, nécessité d'une direction.
Le meilleur régime sera celui où :
- Tous auront une certaine part dans le pouvoir
- sauront harmonieusement combiner les trois formes : la monarchie, l'aristocratie, la démocratie.

5° ESCHATOLOGIE THOMISTE
Thomas semble vouloir montrer même rationnellement un bonheur ultra terrestre. On peut citer des textes thomistes parlant du "désir surnaturel d'un bonheur surnaturel". Les biographes de Thomas d'Aquin rapportent que le Christ lui apparaît et lui demande de choisir ce qu'il veut vraiment parmi les biens du monde : "Ce que je veux, c'est Vous".
Le 6 décembre 1273, il refuse d'achever la Somme théologique à la suite d'une expérience mystique. "Je ne peux écrire. J'ai vu des choses auprès desquelles mes écrits ne sont que de la paille". il se fait lire le Cantique des Cantiques, livre le plus étudié à cette époque, le moins commenté de nos jours. Où est le Bonheur ?
 

VIII. JEAN DUNS SCOT (1266-1308)
Franciscain d'origine écossaise, ayant vécu en Angleterre et en France, mort à Cologne. On l'appelle le "docteur subtil" car il multiplie les nuances et les distinctions.
1° Plus réservé que Thomas sur les possibilités de la connaissance rationnelle en épistémologie.
2° En ontologie, chaque réalité est "individué" non seulement par la "matière" mais par "l'haeccéité". A propos de Dieu, il réagit sans doute au nécessitarisme averroïste et il insiste sur la liberté de Dieu d'une manière très forte.
3° En éthique : insistance également sur la liberté par rapport à la connaissance.
4° A noter en politique REJET DE L'ESCLAVAGE qui va reprendre vigueur avec la renaissance de l'antiquité !
5° On ne peut d'après lui, démontrer philosophiquement une destinée suprasensible.

IX. RAMON LLULL (1233-1316)
Le "créateur de la langue catalane" en Espagne veut créer une synthèse qui sera évidente pour tous à partir des trois traditions juives, chrétienne et musulmane.. "Hérétique" d'après l'Inquisition, "saint" d'après les Franciscains, il est un des pères de tous ceux qui voudront tout synthétiser; Bruno, Pic de la Mirandole, Nicolas de Cues, Sebon, Leibniz... que nous rencontrerons dans les étapes suivantes de notre voyage.

X. PREMIÈRES CONDAMNATIONS DU NATURALISME NAISSANT (1277).
Tous au long de l'Histoire de la Pensée, ceux qui défendent une nouvelle position rencontrent des oppositions et des persécutions.
        - Socrate est accusé de rejeter les dieux d'Athènes et il est condamné à mort.
        - Les chrétiens avaient été persécutés pendant 300 ans.
        - En 1277, la situation est inversée. Nous sommes dans une société de chrétienté. C'est l'évêque de Paris : Etienne TEMPIER qui condamne
          219 thèses. En voici quelques unes, mentionnées par Etienne Gilson dans "la philosophie au Moyen Âge" (Payot 1988 p. 559). (Ce livre a été
          un de ceux que j'ai le plus utilisé).
      - La religion chrétienne empêche de s'instruire
      - Il y a des erreurs dans la religion chrétienne comme dans les autres
      - Ce que disent les théologiens repose sur des fables
      - La vraie sagesse est celle des philosophes seuls.
      - Il n'y a pas d'état de vie supérieur à celui du philosophe.
      - Le bonheur n'existe qu'en cette vie, non en une autre.
      - Un pauvre ne peut agir moralement bien.

DÉBUT DE LA RÉDUCTION NATURALISTE
Peu importe de savoir les noms de ceux qui défendent ces convictions. Ce qu'il faut souligner c'est que dès 1277, la lutte commence entre la réduction naturaliste qui veut réduire la vie humaine à un bonheur naturel et la foi chrétienne qui annonce une union surnaturelle avec Dieu par la médiation du Fils de Dieu fait homme, Jésus.
En 1277, les autorités de l'Église catholique, contrôle l'enseignement officiel et l'évêque de Paris peut essayer d'interdire la défense de ces convictions.
Les réactions des défenseurs du naturalisme vont varier selon les époques.
            1. Première attitude : se cacher, se faire oublier et laisser des textes où l'on dit sa vraie conviction pour qu'ils soient propagés après la mort. Le Curé MESLIER, quatre cents ans plus tard (1664-1729) est l'exemple le plus clair de cette attitude qui a peut-être été assez souvent adoptée sans que nous le sachions.
"Il aurait été trop dangereux pour moi de vous dire ouvertement ma pensée pendant ma vie. J'ai résolu de vous la dire après ma mort".
Et le texte donne huit preuves de la fausseté de toutes les religions, expose "un naturalisme opposé à toute idée de perfection supraphysique
". Il propose un renversement de la puissance de la noblesse qui écrase les pauvres paysans de sa paroisse avec l'appui des autorités ecclésiastiques. Il faut remarquer d'ailleurs que les sermons du Curé MESLIER, reprochant les abus des riches lui avaient mérité une punition de l'archevêque.

             2. Deuxième solution, distinguer deux points de vue, "deux vérités" :
"En tant que philosophe je suis certain de ceci ou de cela, mais en tant que chrétien, bien sûr, j'obéis filialement à l'Église".
Il nous est permis à nous, aujourd'hui, d'avoir des doutes sur la vraie conviction de ceux qui tiennent ce langage. Et ce doute, je suis porté à l'avoir pour de nombreux philosophes entre 1300 et 1700, parmi lesquels Montaigne et Descartes.
D'ailleurs pour nous qui ne cherchons pas avant tout de connaître la pensée de ces messieurs du passé, mais de choisir nous-même le vrai bonheur, les discussions sur leurs véritables convictions sont secondaires.

            3. Une troisième attitude que nous rencontrerons au chapitre suivant : préférer mourir plutôt que de renier ses convictions naturalistes et même athées. Dans la quatrième partie du septième chapitre nous trouverons les noms de deux martyrs les plus célèbres de ce naturalisme : BRUNO et VANINI, tous les deux brulés vifs et rejetant la foi jusqu'au dernier moment. (PC7-4)
Même si toutes les sociétés anciennes ont été intolérantes jusqu'à l'assassinat, même si les régimes marxistes léninistes ont persécuté les dissidents jusqu'en 1989, on doit considérer ces persécutions des incroyants par les autorités ecclésiastiques comme une grave trahison de la liberté évangélique !

DE NOS JOURS
La lutte entre les réductions naturalistes et la foi chrétienne occupe la troisième période de l'Histoire de la Pensée 1600-1993. Mais face à Descartes qui, d'après l'opinion générale , inaugure les temps modernes avec sa réduction à la nature, à la raison et même aux mathématiques, se dresse un génie : Blaise PASCAL. nous verrons que de grand penseurs vont prendre le relais jusqu'à nos jours. Nous avons le privilège de vivre dans une période pluraliste où plusieurs convictions peuvent être défendues même si les diverses formes du naturalisme constituent une idéologie dominante et même écrasante dans les médias de nos jours. (TPchap12).

EN 1277
Mais revenons à la fin du 13ème siècle pour conclure en présentant une tendance et deux noms.
        - La tendance, c'est ce qu'on appelle "l'Averroisme", c'est à dire une confiance aveugle envers Averroès et donc Aristote. Il ne s'agit donc pas
          d'un véritable rationalisme mais d'une forme de "croyance" non seulement dans le domaine philosophique mais même dans le domaine
          scientifique qui n'est pas encore distingué de la philosophie.
        - Le premier nom à retenir c'est SIGER DE BRABANT (1235-1284) originaire du Brabant wallon, chanoine de Liège et professeur de
          philosophie à Paris. Il est un des philosophes condamné en 1277. C'est à lui qu'on attribue la thèse des deux vérités : "Telle thèse est
          philosophiquement démontrée, mais la foi enseigne le contraire... donc...
"
        - Le deuxième nom : BOECE DE DACIE ( 1200-1270). D'origine danoise, il se réfugie chez les bénédictins pour échapper à l'Inquisition.
          Il laisse après sa mort des textes qui ignorent tranquillement toute la Révélation évangélique et se contentent du "Bonheur suprême qui est
          la vie philosophique".

                                                                                     ***

Bien sûr, il ne s'agit là que d'exceptions. Mais le mouvement de contestation est désormais lancé. Pendant des siècles, les autorités ecclésiastiques vont s'unir aux autorités universitaires  et politiques pour contrôler l'enseignement. En vain, car l'ébranlement est irrésistible.
Le titre du chapitre suivant constate la fin d'un monde homogène, ordonné, harmonieux.
Après quelques siècles d'oppositions violentes, nous en arriverons au pluralisme contemporain. Celui qui le désire peut prendre connaissance des opinions les plus diverses pour choisir la voie qui, d'après lui, le conduira au vrai bonheur. A chacun les résultats de son choix. (voir Conclusion générale).
       
suite PC chap.7-intro