TP
Chap 12

 

PLURALISME CONTEMPORAIN
A-MORALISME - ÉCONOMISME - PERSONNALISME
 

 

 

 

Sommaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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sommaire

 
J'ai fini par comprendre qu'un minimum de recul est nécessaire pour discerner les philosophes importants d'une époque. J'ai donc renoncé à faire une sélection trop subjective des noms importants de la philosophie contemporaine, même si certains philosophes contemporains ont été présentés dans les cinq chapitres précédents.
Pour donner quand même une première idée de la Pensée contemporaine, j'ai choisi d'en décrire la caractéristique principale, le pluralisme et trois tendances importantes, l'amoralisme, l'économisme et le personnalisme.

I. PLURALISME CONTEMPORAIN
Venant d'un mot latin qui signifie "plusieurs" le mot "PLURALISME désigne le fait que de plus en plus souvent, chaque personne prend directement contact avec un fait, une évolution qui va s'accentuer, qu'il faut constater avant d'en montrer les aspects positifs et les aspects négatifs.
Le fait
Bien sûr on pense à la radio, à la télévision, aux vidéos qui pénètrent même dans les derniers pays qui veulent interdire certaines opinions. Mais les contacts les plus profonds sont les contacts direct, de vive voix, avec des personnes vivantes ayant des convictions de plus en plus diverses. Tous ces contacts provoquent partout et toujours un doute sur la valeur des convictions et des comportements qui avaient semblé évidents. La recherche philosophique personnelle est donc stimulée plus souvent.
Dose variable
Cette variété d'opinions est bien sûr plus accentuée dans le métro de Paris que dans tel village de France où tous les habitants de cette fin du XXe siècle veulent encore être "enterré à l'église". Elle est plus grande à  l'Hôtel Hilton de Tananarive qu'à Tanandava, petit village malgache à 50 km de Vohipeno, elle est plus grande à Pékin qu'en Mongolie intérieure.
Aspects négatifs
Il faudrait cependant être aveugle pour ne pas constater les aspects négatifs de ce pluralisme contemporain. De plus en plus de jeunes rencontrent très vite des opinions et des comportements tellement diverses qu'il leur est impossible de les ordonner et d'en discerner  la valeur. Cela provoque en eux la souffrance d'un désarroi profond. Ils demandent qu'on leur donne des repères. Pour les siècles précédents, on doit regretter le manque de liberté qui était accordée aux personnes individuelles, dans presque toutes les sociétés. Désormais, on doit regretter l'absence inverse, l'absence de régulation collective des désirs humains. C'est ce qu'on appelle "l'a-moralisme".

II. A-MORALISME
- La lettre "a"  avant un mot signifie une privation, un manque ("a" privatif grec).
- Les morales sont les diverses systèmes de régulation des désirs humains.
≻ "l'a moralisme" peut donc désigner un fait : l'absence de régulation collective des désirs humains dans une société, l'absence de valeurs, d'obligation et d'interdits collectifs.
("l'a-moralisme" peut désigner également une théorie qui refuse l'idée même d'une régulation objective de ces devoirs comme l'a enseigné Sartre
Un fleuve peut être la réunion de cinq rivières. De même l'amoralisme contemporain est nourri par cinq tendances philosophiques antérieures qui parfois s'opposent mais contribuent à dire : il n'y a pas de morale possible.

a. Les cinq sources de l'amoralisme
1. Le nouveau  scientisme 
Alors que le scientisme ancien consistait à s'imaginer que la science allait bientôt répondre à toutes les questions, les découvertes scientifiques incessantes ont fait comprendre que toute thèse scientifique est partielle et provisoire. Elle est menacée de contradiction par la découverte scientifique suivante. Le nouveau scientisme consiste donc à dire que, non seulement en science, mais également dans le domaine philosophique, moral et religieux, personne ne doit jamais rien affirmer de certain et qu'il faut attendre la prochaine théorie nouvelle sans fin. TP chap.9
2. Le pessimisme individualiste
La deuxième source de l'amoralisme est également une réaction excessive à une idéologie ancienne. Alors que jusqu'en 1975, dans certains pays, la mode marxiste conduisait les intellectuels naïfs vers un optimisme collectiviste, c'est un pessimisme individualiste qui déferle depuis la révolution européenne de 1989. Les philosophes épicuriens et stoïciens sont réédités !
3. Le relativisme culturel
Depuis 1960, dans plusieurs pays colonisés et même encore aujourd'hui, chez certains dirigeants européens qui défendent "l'exception culturelle", on a voulu réagir à tel ou tel impérialisme culturel en retournant à une culture nationale. Beaucoup n'avaient pas compris que TOUTES LES CULTURES : NATIONALE OU ÉTRANGÈRE, ANCIENNE OU MODERNE, CELLE DES PRIVILÉGIÉS ET CELLE DE LA MASSE, COMPORTENT DES ASPECTS POSITIFS ET DES ASPECTS NÉGATIFS et que les barrières pour protéger une culture en danger sont dérisoires. La seule solution est d'aider chaque personne à se cultiver, c'est-à-dire à construire sa propre culture sur des principes cohérents en choisissant une référence fondamentale et en  assimilant les éléments positifs venus de tous les horizons et de tous les temps.
En tous cas, le  nationalisme culturel ancien est condamné. Il sera remplacé ou par le relativisme culturel incohérent ou par une éducation à une recherche culturelle personnelle.
4.  Le structuralisme
Les diverses structuralisme sont étudiés au neuvième chapitre de cette troisième période. Selon ces théories nous ne sommes pas libres mais entièrement déterminés par des structures : sociales, culturelles, ou inconscientes. Il n'y a donc pas de place pour une régulation volontaire et libre de nos désirs, puisque nous sommes déterminés. TP chap.9  (voir 8 et suivant F. de SAUSSURE...)
5. L'existentialisme
Cinquième source de l'a-moralisme contemporain la théorie opposé, de Sartre et avant lui de Nietzsche  selon laquelle chaque personne  doit et peut réguler ses désirs d'une manière absolument indépendante.  Il n'y a donc pas d'après eux de régulation objective et collective possible mais seulement une liberté individuelle arbitraire avec le refus de l'idée d'un vrai bonheur objectif pour tous. Le monde n'a pas de sens. TP chap.11

b. Les trois thèmes dominants
1. Les cinq tendances philosophique de la mentalité moderne convergent pour nourrir en épistémologie un scepticisme radical : personne ne connaît jamais rien de certain : il faut donc attendre sans fin une théorie nouvelle... et provisoire.
≻ Ce scepticisme, il faut  le reconnaître, peut-être valable dans la connaissance des êtres déterminés c'est-à-dire en science. Rien d'urgent en ce domaine.
- Mais à la question centrale de la philosophie exprimée dès l'introduction générale "que vais-je choisir pour devenir vraiment heureux ?", non seulement on ne peut remettre sans fin de répondre, mais, par ses actes, chaque personne, chaque jour y répond en fait d'une manière ou d'une autre, et en retire joie ou déception progressivement.
2. Deuxième thème dominant de l'a-moralisme contemporain : l'idéologie libertaire : la liberté est absolue, elle n'est pas relative à  la vérité. Elle décide !
≻ Certes c'est le choix libre qui distingue l'homme de l'animal.
- Mais la liberté du choix est une condition du bonheur, elle ne suffit pas à rendre heureux. Encore faut-il que chacun choisisse le vrai bonheur. Le bien objectif. C'est ce rapport entre liberté et vérité, entre choix libre et vrai bonheur que Jean-Paul II a voulu rappeler dans son encyclique "Veritatis splendor" que l'on peut traduire par "la beauté du vrai bonheur".
Dans le premier chapitre qui est le plus important, Jean Paul II montre la connection entre le vrai bonheur, l'amour que Dieu nous a témoigné en Jésus, le salut qu'il nous a proposé, la responsabilité de chacun et en conséquence les obligations, les devoirs et les interdits que chacun doit avoir à l'esprit s'il veut être vraiment heureux.
3. Troisième thème de l'a-moralisme contemporain : l'individualisme.
≻ Il est vrai que la personne individuelle l'emporte sur la société, que tout homme cherche son bonheur même s'il va se pendre" et que le désintéressement absolu est une illusion prétentieuse ou innocente et naïve.
- Mais tôt ou tard la PERSONNE individuelle qui cherche son propre bonheur doit comprendre qu'elle ne trouve son bonheur ni en elle-même, ni en utilisant le corps ou le coeur des autres personnes, ni même dans une affection humaine mutuelle. Le cœur humain n'est comblé éternellement que par l'amour de Jésus pour chacun de nous et cet amour nous rend altruiste. S'il choisit ce vrai bonheur, le chrétien est conduit à se dévouer de plus en plus pour "chacun de ces plus petits qui sont les frères" de Jésus lui-même (Math. 25/40). Ainsi le PERSONNALISME, éclairé par la Révélation évangélique aboutit au plus grand dévouement, à l'altruisme, à l'ouverture à une communion universelle absolument opposée au repli malheureux sur soi-même.

c. La philosophie, une nécessité urgente
L'a-moralisme dont nous avons rappelé les cinq sources et les trois thèmes est une maladie mortelle pour les individus et les sociétés. Celui qui ne régule pas ses désirs est condamné à une souffrance perpétuelle.
Les 11000 suicides et les 130.000 tentatives de suicides enregistrées en France en 1992 donnent une première idée de cette souffrance.
Mais cet a-moralisme est également une maladie pour les sociétés.
JEAN FOURASTIÉ (TP chap. 9) m'expliquait qu'une société observait encore pendant une génération ou deux une morale dont les bases métaphysiques ou religieuses avaient été délaissées mais qu'ensuite elle se désintégrait.
JACQUES JULLIARD, le 23 mai 1990, dans un hebdomadaire (qui ne mérite plus une telle plume) constatait les disparitions en France des valeurs collectives et des relais sociaux qui devraient les transmettre aux nouvelles générations : les familles, les écoles, les Églises, les partis, les syndicats, les associations, les mouvements de jeunesse. La dissidence, disait-il devient un devoir.
Chacun de nous doit donc revenir à l'école de SOCRATE, prêt à résister à la mentalité ambiante, même seul dans son propre milieu, en invitant tout ceux qu'il rencontre à s'arrêter, à réfléchir, à choisir vraiment le vrai bonheur.
Chacun de nous doit comprendre et montrer aux autres que cet amoralisme, cette absence de régulation consciente des désirs, permet à une autre idéologie contemporaine de manipuler les milliards d'hommes : ils s'agit de l'ÉCONOMISME.

III. ÉCONOMISME
L'économisme est l'organisation de (1) la production (2) des échanges et (3) de la répartition des biens matériels dans une famille (économie domestique) dans un état (économie politique) et dans le monde (économie internationale).
Comme la  plupart des mots en "isme", l'économisme désigne la tendance à donner trop d'importance aux aspects économiques de la vie ou même à réduire le bonheur de l'homme à ces aspects.
On peut même aller plus loin et parler d'une nouvelle "religion" collective avec une croyance, des rites et une morales, même si ceux qui les ont adoptés n'en sont pas conscients et se proclament encore chrétiens, musulmans, hindouistes etc...
1. Une croyance
Une croyance "trinitaire" rarement exprimée mais très répandue dans les cœurs et les mentalités consiste à penser sans s'en rendre compte : "Je crois au PROGRÈS de (1) la science, (2) la technique, (3) et de l'économie". Cette nouvelle religion a son catéchisme : la publicité omniprésente avec ses formules simples et ses images suggestives.
2. Des rites
Comme les autres croyances, l'économisme a également sa liturgie. Le "tabernacle" qui permet d'assister plusieurs heures par jour aux cérémonies de cette "religion" c'est l'appareil de télévision où l'on célèbre des grand-messe (l'expression est employée) pour les "dieux" du sport, de la chanson, et de la politique.
3. Une morale
Lorsque j'écrivais qu'il n'y a plus de morale, plus de régulation des désirs, je me trompais ! l'économisme a imposé à plusieurs milliard d'homme des commandements nouveaux : "Tu produiras et tu achèteras vite, beaucoup de marchandises toujours nouvelles".
Cette nouvelle religion qui ne figure pas souvent dans les listes des croyances religieuses occupe en fait le cœur de la majorité de ceux qui sont officiellement comptabilisés dans les autres religions.
4. Un vocabulaire
La réduction de la vie à ses aspects économiques pénètre tous les milieux, même les journaux officiellement chrétiens. Peu à peu les mots changent de sens. A quand un nouveau dictionnaire pour comprendre le nouveau vocabulaire ?
        - La "société" : espace de circulation des marchandises.
        - Le "temps" doit être accéléré pour pouvoir multiplier le nombre de besoins satisfaits
        - La "vie" : un combat où il faut battre les autres. Dans tel pays asiatique, les étudiants travaillent sept jours sur sept de 7h du matin à 11 h du soir.
        - Les "autres" : des clients, des patrons, des salariés, des concurrents, en tous cas des ennemis.
        - La "Démographie" : la planification de la production des animaux humains.
        - La "Religion" méthode de gestion des énergies intimes
5.Multiplication des souffrances
Ce dont il faut surtout prendre conscience c'est que cette nouvelle religion avec ses deux variantes : socialiste et libérales, au lieu de diminuer les souffrances, les multiplie sans fin en multipliant les besoins par la publicité.
Car il ne s'agit plus de satisfaire des besoins réels mais de fabriquer n'importe quoi (inutile ou même nuisible) et d'en créer ensuite le besoin dans le coeur des téléspectateurs.
Remèdes à cette idéologie néfaste.
Le premier pour les non-chrétiens serait le bouddhisme qui consiste à prendre conscience que tout désir aboutit à une déception et, à tuer tout désir, ou en tout cas à les modérer. Premier pas dans ce sens : diminuer nos besoins et ne plus les multiplier. (PP. chap.2-6)
Deuxième remède avec Augustin et toute la tradition des saints que nous avons passée en revue dans cette Histoire de la Pensée : dire à Dieu : "Tu nous as créés ayant soif de toi et notre cœur est inquiet aussi longtemps qu'il ne commence pas à être fixé à toi", et donc chercher son premier bonheur en Dieu.
D'une manière plus large, la réaction aux deux idéologies que nous venons de décrire c'est "personnalisme" que nous allons décrire en quelques lignes pour conclure ce chapitre.

IV. PERSONNALISME
Le personnalisme est un courant de pensée qui s'est surtout exprimé dans la revue "Esprit" à partir de 1932 avec Etienne BORNE, Pierre-Henri SIMON, Emmanuel MOUNIER, Jean LACROIX, Jean-Marie DOMENACH...
Ces auteurs, dont je me souviens avoir lu plusieurs livres avec passion dans ma jeunesse, s'opposent à tous les COLLECTIVISMES qui subordonnent la PERSONNE individuelle à un ensemble : la cité, la nation, le parti, l'humanité, la nature. Aux yeux des PERSONNALISTES, chaque personne individuelle a une originalité,  une autonomie et surtout une dignité absolues qui s'opposent à tous ceux qui voudraient en faire un moyen pour le profit d'une collectivité quelconque.
Mais le personnalisme s'oppose aussi à l'INDIVIDUALISME en montrant que la personne individuelle ne devient progressivement HEUREUSE  qu'en  entrant en relation avec d'autres personnes, en luttant pour que toute personne dans l'univers soit respectée.
Emmanuel MOUNIER parlait d'une révolution personnaliste et communautaire et la revue "Esprit" animait la résistance au racisme des nazis. A cette tendance on peut joindre Emmanuel LÉVINAS. Nous pouvons également rapprocher de ce combat celui du Mahatma GANDHI le plus grand homme du XXe siècle.
les 93 communautés de l'Arche de Jean VANIER, les 850 communautés de Foi et Lumière sont une des plus belles réalisations de ce personnalisme communautaire puisqu'elles réunissent des hommes et des femmes de convictions différentes et des personnes qui souffrent d'un handicap mental parfois très profond.
En intégrant Jean Vanier après d'autres prophètes de l'amour dans ce panorama, l'idée m'est venue qu'un autre titre de cette initiation pourrait être choisi "Histoire de la recherche du vrai Bonheur dans l'Amour".
Le livre de Jean Vannier "La communauté lieu du pardon et de la fête", Fleurus 1997 est un guide précieux pour ceux qui comprennent que les communautés sont des lieux d'équilibre.

V. PÉLERINAGE AUX SOURCES
Et nous terminerons ainsi le panorama de la troisième période de l'histoire de la Pensée en retrouvant LA PLACE  CENTRALE DE LA RÉVÉLATION ÉVANGÉLIQUE. Une première présentation en a été faite dès le premier chapitre de la Période Centrale.
L'étude des réductions naturalistes modernes nous permet, grâce à la comparaison, de comprendre que les Évangiles contiennent des réponses inattendues surabondantes et encore méconnues aux cinq questions qui nous ont accompagnés pendant ces dizaines de pages et qui avaient été exprimées le plus simplement possible dans l'exposé préalable.
Ce long voyage de deux mille ans nous encourage à faire sans cesse un pèlerinage aux sources évangéliques. Les versets 9 à 17 du quinzième chapitre de l'Évangile de Jean peuvent nous servir de point d'orgue. (Jean 15). Nous y trouvons une symphonie des cinq amours : l'amour du Père envers Jésus (9) l'amour de Jésus envers chacun de nous (9), notre choix de préférer Jésus en obéissant à ses commandements (10) celui de donner notre vie (13) pour chacun des plus petits qui sont ses frères" Mat 25/40 et enfin l'amour mutuel (17). COMME  le  Père m'a aimé je vous ai aimé (Jn 9/17). Aimez-vous les uns les autres COMME je vous ai aimés (Jn 13/34). Qu'il soient UN COMME nous sommes uns (Jn 17/21).

suite Conclusion